Page:Dumas - La Princesse Flora (1871).djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
la princesse flora

moi qui le connais depuis le cordon de marine jusqu’aux épaulettes de lieutenant‑capitaine, moi qui l’ai suivi depuis l’école jusqu’à Navarin… Oh ! je donnerais tout au monde, s’écria le lieutenant en avalant en même temps un verre de vin, comme si dans le vin il eût voulu noyer son angoisse, je donnerais mon prix de concours, quitte à reprendre du service sous ses ordres comme simple matelot, pour voir mon bon ami Élie dans son état primitif ! C’était l’âme de notre société, c’était le cerveau au moment du combat. Il est bon comme un ange et brave comme un démon. Je pressens qu’il fera Dieu sait quelle sottise ; il quittera le service et oubliera la mer, et alors que restera-t-il à notre pauvre frégate ? qui le remplacera comme officier ? quel est celui qui inspirera aux marins le même amour et la même confiance ? Mieux vaut que le tonnerre casse le grand mât, que le gouvernail sorte de ses gonds, que la frégate soit désemparée, que de perdre notre capitaine. Avec lui, tout est facile ; sans lui, le cabestan ne tirera même pas l’ancre, et le meilleur matelot ne saura plus carguer une voile. Grâce à lui,