Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Rosa allait-elle bouder éternellement Cornélius ? Cela eût rendu le vol bien autrement difficile que ne l’avait cru d’abord mynheer Isaac.

Nous disons vol, car Isaac s’était tout simplement arrêté à ce projet de voler la tulipe ; et, comme elle poussait dans le plus profond mystère, comme les deux jeunes gens cachaient son existence à tout le monde, comme on le croirait plutôt, lui, tulipier reconnu, qu’une jeune fille étrangère à tous les détails de l’horticulture ou qu’un prisonnier condamné pour crime de haute trahison, gardé, surveillé, épié, et qui réclamerait mal du fond de son cachot ; d’ailleurs, comme il serait possesseur de la tulipe et qu’en fait de meubles et autres objets transportables, la possession fait foi de la propriété, il obtiendrait bien certainement le prix et serait bien certainement couronné en place de Cornélius, et la tulipe, au lieu de s’appeler tulipa nigra Barlænsis, s’appellerait Tulipa nigra Boxtellensis ou Boxtellea.

Mynheer Isaac n’était point encore fixé sur celui de ces deux noms qu’il donnerait à la tulipe noire ; mais comme tous deux signifiaient la même chose, ce n’était point là le point important.

Le point important, c’était de voler la tulipe.

Mais, pour que Boxtel pût voler la tulipe, il fallait que Rosa sortît de sa chambre.

Aussi, fut-ce avec une véritable joie que Jacob ou Isaac, comme on voudra, vit reprendre les rendez-vous accoutumés du soir.

Il commença par profiter de l’absence de Rosa pour étudier sa porte.

La porte fermait bien et à double tour, au moyen d’une serrure simple, mais dont Rosa seule avait la clef.