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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/104

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— Qu’êtes-vous donc, en ce cas ?

— Je suis artiste.

— Et l’on vous appelle ?

— Laurent de Médicis.

Et Laurent de Médicis, voyant passer dans une allée Politien et Pic de la Mirandole, alla les rejoindre, et laissa l’enfant réfléchissant à l’avis qu’il venait de recevoir, et surtout à celui qui le lui avait donné.

Le lendemain, il porta cette tête complètement achevée à Laurent de Médicis. L’observation avait porté son fruit, une dent manquait.

C’est cette même tête de faune qui est à la galerie de Florence.

Laurent devina l’homme dans l’enfant, le fit sortir de l’atelier de Guirlandajo, où il était engagé pour trois ans, lui donna une chambre dans son palais, l’admit à sa table, et le traita comme s’il eût été son propre fils.

Cet événement décida de la vocation de Michel-Ange. Dès lors il abandonna à peu près la peinture pour la sculpture ; et cependant il avait déjà en peinture deux étranges succès pour un enfant de son âge.

Un jour, son ami Granacci, le même qui lui avait procuré des ciseaux, lui avait fait cadeau d’une estampe de Martin de Hollande ; elle représentait des diables qui, pour induire saint Antoine au péché, l’assommaient de coups de bâton. Michel-Ange eut alors l’idée de faire un tableau de cette estampe, et d’entourer le saint des démons ayant la forme de quadrupèdes ou de poissons ; mais il ne voulut ébaucher aucun de ces monstres sans avoir primitivement étudié dans la nature les différentes parties dont leur corps se composait. En conséquence, il allait tous les jours aux ménageries ou au marché, dessinant d’après nature les animaux dont il voulait donner la ressemblance à ses diables, et ne commençant rien de l’œuvre définitive que sur des esquisses parfaitement étudiées.

Le tableau fini, l’enfant le porta chez Guirlandajo, qui fut étonné de cette admirable reproduction de la nature, et qui demanda à son élève comment il en était arrivé là. Celui-ci lui montra toutes ses études, lui apporta toutes ses es-