grand sculpteur, s’étonne et demande à l’homme à la chaîne s’il ne connaît pas Michel-Ange :
— C’est justement parce que je le connais, répond l’huissier, que je ne le laisse point passer.
— Comment cela ? s’écrie Michel-Ange étonné.
L’huissier ne répond pas. Mais sur ces entrefaites Bramante se présente et est introduit.
— C’est bien, dit Michel-Ange, vous direz au pape que si désormais il désire me voir il m’enverra chercher.
Michel-Ange revient chez lui, vend ses meubles, prend un cheval de poste, court sans s’arrêter, et arrive au bout de douze heures à Poggibonzi, village situé hors des frontières pontificales.
Jules II a appris sa fuite. C’est alors qu’il comprend l’homme qu’il perd. Cinq courriers sont expédiés de demi-heure en demi-heure sur les traces du fugitif, avec ordre de ramener Michel-Ange mort ou vif. Ces cinq courriers rejoignent celui qu’ils poursuivent à Poggibonzi ; mais Poggibonzi est toscan ; le pouvoir pontifical expire à Radicotani ; Michel-Ange tire son épée, et les cinq courriers reviennent à Rome annoncer qu’ils n’ont pu rejoindre Michel-Ange.
Alors Jules II en fait une affaire de puissance à puissance : Florence rendra Michel-Ange à Rome, ou Rome fera la guerre à Florence. Jules II était un de ces pontifes qui dominent à la fois par l’épée et par la parole. Le gonfalonier Soderini fait venir Michel-Ange.
— Tu t’es conduit avec le pape, lui dit-il, comme ne l’aurait pas fait un roi de France. Nous ne voulons pas entreprendre une guerre pour toi : ainsi prépare toi à partir.
— C’est bien, répond Michel-Ange. Soliman m’attend pour jeter un pont sur la Corne-d’Or, et je pars, mais pour Constantinople.
Michel-Ange revient chez lui ; mais à peine y est-il que Soderini arrive. Le gonfalonier supplie l’artiste de ne pas brouiller la république avec Jules II. Si l’artiste craint quelque chose pour sa liberté ou pour sa vie, la république lui donnera le titre d’ambassadeur.
Enfin Michel-Ange pardonne et va rejoindre Jules II à Bologne qu’il vient de prendre.