— Mais c’est l’affaire de Raphaël et non la mienne. Donnez-lui cette chambre à peindre, et donnez-moi une montagne à tailler.
— Tu feras ceci ou tu ne feras rien, dit Jules II avec sa brusquerie ordinaire.
Et il se retira, laissant Michel-Ange anéanti.
La partie était bien engagée par ses ennemis, et Michel-Ange reconnut l’adresse de Bramante. Ou Michel-Ange acceptait, ou Michel-Ange refusait : s’il refusait, il s’aliénait à tout jamais le pape ; s’il acceptait, il luttait dans un art qui n’était pas le sien avec le roi de cet art, avec Raphaël !
Mais Michel-Ange était un lutteur. Il lui fallait l'infini à combattre, l’impossible à vaincre.
— C’est bien, dit-il ; je ne cherchais pas Raphaël ; mais, puisqu’il s’attaque à moi, je l’écraserai comme un enfant.
Il alla trouver Jules II.
— Je suis prêt, dit-il.
— Que me peindras-tu ? demanda le pape.
— Je n’en sais rien encore, répondit Michel-Ange.
— Et quand commenceras-tu ?
— Demain.
— As-tu quelquefois peint à fresque ?
— Jamais.
Dix-huit mois après la voûte était achevée.
Vingt fois pendant le travail l’impatient Jules II était monté sur l’échafaud de l’artiste, et chaque fois il était redescendu plus émerveillé.
La voûte fut découverte, et Rome entière s’inclina devant la terrible merveille.
Le jour de la Toussaint 1511, le pape dit la messe sous cette admirable voûte.
Quant à Michel-Ange, pendant ces dix-huit mois ses yeux s’étaient tellement habitués à regarder au dessus de sa tête, qu’il ne distinguait plus rien en les ramenant vers la terre. Un jour il reçut une lettre et ne put la lire qu’en la tenant élevée ; il crut qu’il allait devenir aveugle.
Jules II mourut, laissant à deux cardinaux le soin de faire élever son tombeau. Michel-Ange se brouilla avec Léon X