Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/11

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voulait faire avouer qu’il avait eu part à l’assassinat du duc Alexandre, fut mis plusieurs fois à la question ; mais, au milieu des tourmens les plus terribles, son courage ne se démentit pas un instant, et il dit constamment à ses bourreaux qu’il ne pouvait confesser une chose qui n’était pas vraie. Mais si, ajoutait-il l’aveu de l’intention leur suffisait, il était mille fois plus coupable que celui qui avait tué Alexandre, car il aurait voulu le tuer mille fois. Enfin, les bourreaux lassés allaient peut-être obtenir de Cosme de cesser sur Strozzi des tortures inutiles, lorsqu’un jour un des soldats qui avaient accompagné le geôlier déposa, soit par hasard, soit à dessein, son épée sur une chaise, et sortit sans la reprendre. La résolution de Strozzi fut prompte ; il n’espérait plus de liberté ni pour lui ni pour sa patrie : il alla droit à l’épée, la tira du fourreau, s’assura de la pointe et du tranchant, revint à une table où étaient du papier et de l’encre qu’on lui avait laissés dans le cas où il se déciderait à faire des aveux, écrivit quelques lignes d’une main aussi ferme et aussi assurée que si ce n’eût point été les dernières qu’il dût tracer ; puis, appuyant la poignée de l’épée au mur et la pointe à sa poitrine, il se laissa tomber dessus. Cependant, quoique l’épée lui eût traversé le corps, il ne mourut pas sur le coup, car on trouva tracé sur le mur, avec son sang, ce vers de Virgile :

Exoriare aliquis nostris ex ossibus altor.

Quant aux quelques lignes écrites sur le papier, en voici la traduction littérale :

« AU DIEU LIBÉRATEUR.

Pour ne pas demeurer plus longtemps au pouvoir de mes ennemis, et pour ne point davantage être tourmenté par des tortures dont la violence me ferait peut-être dire ou faire des choses préjudiciables à mon honneur et aux intérêts de parens et d’amis innocens, chose qui est arrivée ces jours derniers au malheureux Giuliano Gondi ; moi, Philippe