Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/12

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Strozzi, je me suis décidé, quelque répugnance que j’éprouve pour un suicide, à finir mes jours par ma propre main.

Je recommande mon âme au Dieu de toute miséricorde, le priant humblement, s’il ne veut m’accorder d’autre bonheur, de permettre au moins qu’elle habite le même lieu qu’habitent Caton d’Utique et les autres hommes vertueux qui sont morts comme lui et comme moi. »

À quelques pas du palais du vaincu est la colonne élevée par le vainqueur : cette colonne avait été donnée à Cosme par le pape Pie IV ; il la fit dresser à la place même où il apprit le résultat de la bataille de Montemurlo ; elle est surmontée d’une statue de la Justice. Peut-être Cosme eût-il mieux fait de la placer autre part, ou de la garder pour une meilleure occasion.

Derrière la colonne est l’emplacement de l’ancien palais de ce Buondelmonte dont le nom se rattache aux premiers troubles qui agitèrent les deux factions guelfe et gibeline de Florence ; en face de la colonne est la sombre et magnifique forteresse des comtes Acciajoli, derniers ducs d’Athènes. Il y a certains quartiers de Florence dans lesquels on ne peut faire un pas sans heurter un souvenir ; seulement le passé y est tant soit peu dépoétisé par le présent : le palais Buondelmonte, par exemple, est devenu un cabinet littéraire, et la forteresse des ducs d’Athènes s’est métamorphosée en auberge.

Cette forteresse, au reste, était on ne peut plus judicieusement placée ; elle commandait l’ancien pont de la Trinité, bâti en 4252, et qui, ayant été ruiné en 4557 par une crue de l’Arno, fut relevé par l’Ammanato sur un dessin de Michel Ange. C’est peut-être un des ponts les plus gracieux et les plus légers qui existent.

En cet endroit la foule se divisait, laissant ce beau pont de la Trinité presque vide, comme si ce n’eût point été fête de l’autre côté de l’Arno ; elle remontait vers le Ponte-Vechio et le Ponte-alla-Caraja. Nous suivîmes le flot qui descendait avec le fleuve, et nous passâmes successivement devant les fenêtres du casino de la Noblesse, devant la maison où Alfieri, après y avoir passé les dix dernières années de sa vie,