ques jours avant la capitulation, Michel-Ange, comprenant qu’il n’y aurait pas de salut pour l’homme dont le génie avait lutté si longtemps contre la force, se fit ouvrir une porte, et partit pour Venise avec quelques amis et 12,000 florins d’or.
Alexandre VI fut nommé duc. Il était artiste, comme à peu près tous les tyrans de cette heureuse époque ; il réclama Michel-Ange à la république de Venise, qui le lui rendit. Il commanda à Michel-Ange les statues de la chapelle Saint-Laurent ; Michel-Ange les exécuta.
Puis un jour on entendit dire que le duc Alexandre avait été assassiné dans un rendez-vous d’amour par son cousin Lorenzino. Michel-Ange tressaillit de joie ; il croyait Florence devenue libre.
Cosme Ier hérita d’Alexandre VI : c’était à peu près comme si Tibère eût hérité de Caligula.
Pendant ce temps Clément VII était mort et Paul III était monté sur le trône.
Huit jours après son exaltation, le nouveau pape envoya chercher Michel-Ange.
— Buonarotti, lui dit-il, je veux tout ton temps ; combien l’estimes-tu ? parle, je te le payerai.
— Mon temps n’est pas à moi, répondit Michel-Ange. J’ai signé avec le duc d’Urbin un traité par lequel je m’engage à terminer avant toute chose le tombeau de Jules II ; il faut que je l’exécute.
— Comment ! s’écria Paul III, il y a vingt ans que je désire être pape rien que pour te faire travailler pour moi seul, et maintenant que je le suis tu travaillerais pour un autre ! Non pas. Où est le contrat, que je le déchire ?
— Déchirez, dit Michel-Ange, mais je préviens Votre Sainteté que je me retire à Gênes. Je ne veux pas mourir insolvable envers le cadavre du seul pape qui m’ait aimé.
— Eh bien ! dit Paul III, je prends sur moi d’obtenir que le duc d’Urbin se contente de trois statues, et je te ferai délivrer de la promesse par lui-même.
Michel-Ange se faisait vieux, et en se faisant vieux devenait prudent. Il connaissait la colère des papes pour l’avoir éprouvée ; il consentit à tout ce que voulut Paul III.