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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/13

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mourut en 1803 ; devant le palais Gianfigliazzi, occupé aujourd’hui par le comte de Saint-Leu, ex-roi de Hollande ; et devant le palais Corsini, magnifique édifice du temps de Louis XIV, qui occupe à lui seul la moitié du quai, et qui préparait alors, dans le silence et l’obscurité, la royale hospitalité qu’il devait donner le surlendemain à la moitié de Florence.

Il commençait à se faire tard, et nous étions tant soit peu fatigués de nos courses de la journée. Notre course du soir ne nous promettait pas d’autre variété qu’une promenade plus ou moins longue ; nous nous acheminâmes vers notre palazzo, de plus en plus émerveillés de la joyeuse humeur de ce bon peuple toscan, qui se met en fête dès la veille, sur la promesse d’une fête pour le lendemain.

La nuit fut terrible : les cloches, qui ordinairement n’allaient que les unes après les autres, s’étaient mises en fête à leur tour, et sonnaient toutes en même temps. Il n’y avait pas le plus petit couvent, pas la plus chétive église, qui ne jouât sa partie dans ce concert aérien, si bien que je doute fort qu’il y ait une seule personne qui ait fermé l’œil à Florence dans la nuit du 22 au 23 juin. Quant à nous, nous la passâmes à peu près tout entière à regarder les illuminations du Dôme et du Campanile, qui ne s’effacèrent qu’avec les premiers rayons du jour ; il en résulta pour notre collection un magnifique dessin que Jadin fit au clair de lune.

Toutes les heures de la journée étaient prises d’avance : il y avait à dix heures grand déjeuner chez le marquis Torrigiani, à midi concert à la Philharmonique, à trois heures Corso, et à huit heures théâtre avec grand gala.

Nous n’avions point encore été présentés au marquis Torrigiani, et par conséquent nous ne pouvions être de son déjeuner ; ce que nous regrettions fort, non point, comme on pourrait le croire, pour son cuisinier, mais pour le marquis lui-même. En effet, le marquis Torrigiani, dont la noblesse remonte aux premiers jours de la république, a l’une des maisons les plus aristocratiques de Florence. Une invitation au palais Torrigiani l’hiver, et au casino Torrigiani l’été, est la consécration obligée de tout mérite supérieur, que ce mérite soit légué par les ancêtres ou acquis per-