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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/127

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pes ; l’un voulait le faire cardinal, l’autre saint : il refusa le cardinalat et la canonisation, et revint s’enfermer dans son pauvre couvent de Saint-Marc, dont il couvrait les parois de peinture.

Aussi on trouve partout de merveilleuses fresques : sur les escaliers, dans les corridors, dans les cellules. Sa composition, toujours simple et toujours pieuse, achevée, le moine sublime s’arrêtait où il se trouvait prenait ses pinceaux, et collait une page de l’Évangile sur la muraille.

Le lieu ne lui importait guère : il ne cherchait ni le jour, ni la publicité. Dieu voyait son œuvre, voilà tout.

Il y a dans un corridor obscur une Visitation de la Madone, qu’on ne peut distinguer qu’avec des lumières.

Il y a en face d’un escalier sombre une ravissante Annonciation de la Vierge que le jour n’a jamais éclairée.

Puis, dans toutes les cellules des moines, où personne ne va, il y a des Couronnemens de Madone, des Jésus au Calvaire, des Madelaines pleurant, des Martyrs mourant sur la terre, des Saints montant au ciel.

On m’a montré une Tombe du Christ, et, dans un coin du tableau, un saint vu à mi-corps, qu’on assure être le portrait de Beato Angelico. Qu’on ne s’y laisse pas tromper, c’est impossible ; l’humble moine ne se serait pas ceint le front d’une auréole.

Mais, de toutes ces peintures, la plus magnifique, c’est l’Évanouissement de la Vierge qui se trouve dans la salle du chapitre au dernier cri poussé par Jésus sur la croix, la Vierge s’évanouit. Sainte Madelaine, à genoux devant elle, la retient en l’entourant de ses deux bras ; saint Jean, son second fils, la reçoit dans les siens. C’est merveilleux.

Je n’ai jamais vu de têtes dont le souvenir me soit resté dans la mémoire aussi complet que j’ai gardé celui de la Vierge : c’est le désespoir de la mère combattu par la résignation de la sainte. La femme succombe dans le combat ; l’espérance de l’avenir ne peut compenser la douleur du présent.

Beato Angelico a eu bien raison de refuser le canonicat ; quand on fait de pareils tableaux, on est saint de droit.

Croirait-on qu’au milieu de toutes ces cellules, que