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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/137

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Comme on le comprend bien, nous ne nous amuserons pas à reproduire un catalogue. Nous écrivons tant bien que mal une histoire, et non pas un guide des voyageurs. Nous ferons donc comme les curieux : nous passerons rapidement devant tous ces malheureux maîtres secondaires, qui semblent n’être là que pour être insultés par l’indifférence des visiteurs, et nous courrons tout droit à la salle de la Tribune.

La salle de la Tribune, c’est la chose dont l’artiste entend parler tout le long de sa route, c’est la chose dont lui parle son hôte quand il descend de son humble vetturino, c’est la chose dont lui parle son cicérone avant même qu’il ne soit convenu avec lui du prix qu’il lui donnera pour ses courses journalières ou pour ses renseignemens à un demi-paul l’heure.

Il en résulte un grand malheur : c’est que, quelque merveilleuse que soit cette fameuse salle de la Tribune, on y entre avec un sentiment idéal qui dépasse presque toujours la réalité. Il est vrai que la Tribune est comme Saint-Pierre de Rome : plus on la visite, plus on réagit contre cette première déception.

La Tribune renferme cinq statues antiques ; toutes cinq ont été mises par le jugement de la postérité au nombre des chefs-d’œuvre légués par les Grecs au reste du monde, et arrachées successivement par les modernes à ce vaste tombeau qu’on appelle Rome, et où elles avaient dormi près de mille ans.

Ces cinq statues sont le Rémouleur, le Faune dansant, les Lutteurs, l’Apollino, et la Vénus de Médicis.

Le Rémouleur est parfaitement connu de nos Parisiens ; nous en possédons une bonne copie en bronze dans le jardin des Tuileries. Les savans, qui ont la rage de vouloir tout découvrir, ont voulu savoir ce que c’était que ce fameux rotateur, et quelle pensée il cachait dans cette tête si peu occupée de ce que font ses mains. Les uns ont prétendu que c’était le serviteur qui dénonça les fils de Tarquin ; les autres ont dit que c’était l’esclave qui découvrit la conspiration de Catilina ; d’autres enfin ont affirmé que c’était le Scythe qui, sur l’ordre d’Apollon, se prépare à devenir le