Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bourreau de Marsyas. Or, comme chacun a soutenu sa thèse, comme chacun est resté dans son système, comme chacun a maintenu sa théorie, il en résulte qu’on n’est pas plus avancé que le jour où le Rémouleur est reparu à la surface de la terre ; seulement, chacun est libre de choisir entre les trois opinions.

Le Faune dansant est une de ces rares gaîtés à l’aide desquelles on parvient de temps en temps à faire descendre l’antiquité de son piédestal, et à se retrouver face à face avec son côté terrestre et humain. C’est un jeune homme de vingt-cinq à vingt-six ans plein de vivacité et d’enjouement sauvage ; il appuie le pied sur un soufflet dont le son grotesque est censé accompagner ses mouvemens. Il était mutilé quand on le retrouva, et on le mutila en le retrouvant. Michel-Ange restaura le bras et la tête, qui sont en parfaite harmonie avec le reste du corps.

Les Lutteurs sont un de ces chefs-d’œuvre sans âme comme en faisaient si souvent les Grecs. La forme en est admirable, le dessin en est parfait. Il n’y a pas sur ces deux corps, qui se roidissent, en seul muscle, un seul nerf, une seule fibre qui ne soit à sa place. Aussi les anatomistes se pâment en général de plaisir en les regardant.

L’Apollino est cette gracieuse statue que mes lecteurs connaissent aussi bien que moi, et qui représente, selon toute probabilité, l’Apollon enfant. Le jeune dieu croise une jambe sur l’autre et pose élégamment son bras sur sa tête. C’est la perfection des formes de l’adolescent, comme l’Apollon du Belvédère sera la perfection des formes de l’homme. Je le préfère de beaucoup à la Vénus de Médicis, dont au reste il semble, sinon le mari, du moins le fiancé.

Quelques jours après mon arrivée à Florence, un tableau appendu aux murs de la Tribune se détacha, et renversa de son piédestal le pauvre Apollino, qui, en tombant, se brisa en trois morceaux. Je courus aussitôt à la galerie des Offices, et j’y trouvai le grand duc qui était accouru de son côté du palais Pitti, par le corridor de Cosme Ier, pour juger par lui-même du dégât. Il était grand, et au premier abord fut jugé irréparable ; mais les Florentins sont de si habiles réparateurs qu’aujourd’hui l’Apollino est sur son