Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/144

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tous deux méritent bien qu’on en dise quelques mots, non seulement pour leur mérite réel, mais à cause de la manière dont ils expriment, l’un l’époque des croyances religieuses, l’autre le temps de la réaction classique. Commençons par celui du Pérugin.

Le nom seul de l’auteur du tableau indique qu’il appartient tout entier à cette époque de foi et de sentiment, où les réminiscences grecques n’avaient point encore détourné l’art de la voie religieuse dans laquelle l’avaient fait entrer Cimabué, Giotto et Ange de Fiesole : aussi, ce qui frappe d’abord dans cette peinture, c’est l’expression profonde de chaque personnage : la Madone est bien la femme élue pour être l’épouse mystique d’un Dieu ; ses yeux sont pleins de son amour présent et de sa douleur à venir ; elle est belle à la fois de la beauté des vierges et de la beauté des mères.

L’Enfant Jésus conserve encore ce type de l’école primitive que changera bientôt Raphaël : c’est le divin Bambino, blond, potelé, naïf, gracieux et bénissant, dont souvent, à défaut d’auréole, les cheveux d’or trahissaient la divinité.

Saint Jean-Baptiste les regarde avec cet amour qu’il a reçu du ciel pour le Christ, et qu’il remportera au ciel sans qu’un instant les erreurs, les passions ou les intérêts de la terre aient eu l’influence de l’altérer : on sent que, plus heureux que saint Paul, il a toujours connu Jésus pour être plus qu’un homme, et que, plus constant que saint Pierre, il ne le reniera jamais pour être un Dieu.

Saint Sébastien a les mains liées au dos, et le corps tout couvert de flèches : il achève son martyre, et déjà cherche des yeux au ciel celui pour lequel il va mourir sur la terre.

Tout ceci est de la plus belle manière et du plus beau temps du Pérugin, c’est-à-dire simple, religieux, doux et grave. On reconnaît dans la Madone et dans le Bambino les chairs délicates de la femme et de l’enfant ; dans saint Jean-Baptiste et dans saint Sébastien, les muscles et l’ossature de l’homme ; enfin le coloris en est sévère, le dessin noble et la perspective savante.

Passons maintenant à la Bacchante d’Annibal Carrache.

il arrive parfois qu’un rocher, qui du haut de la montagne roule au fond de la vallée, trouve au milieu de sa route un