Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/146

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miter et suivre que les peintres naturalistes. Cela n’empêche pas les tableaux d’église nés de leurs pinceaux d’être de belles et riches peintures : seulement leur Christ a le torse du Laocoon ; et leur Madone au pied de la croix exprime la douleur de Niobé accusant Jupiter, et non la résignation de la Vierge glorifiant Jéhovah.

Aussi est-ce dans la peinture païenne qu’ils excellent : leurs tableaux mythologiques sont presque toujours des chefs-d’œuvre, et la Bacchante est de ce nombre. Le sujet une fois adopté, il est impossible de l’exécuter d’une façon plus en harmonie avec la scène qu’il représente : la femme est frissonnante de plaisir, tous ses muscles tendent à la déhanche et a l’orgie ; c’est Erigone tout entière dans son impudique nudité : le satyre, de son côté, réunit en lui la force du centaure à la lubricité du faune ; et il n’y a pas jusqu’aux petits Amours semés dans le tableau qui ne prennent part, qui ne concourent, par leurs gestes et leur physionomie, à l’ensemble de cette Bacchanale.

Tout cela est peint largement, avec une science merveilleuse, avec une habileté extrême, et avec une fierté de couleur qui porte en elle-même l’excuse de sa rudesse. En somme, c’est une œuvre de maître.

Quant aux âmes chastes que révolterait cette liberté de pinceau, elles peuvent, après avoir regardé la Bacchante, aller se purifier par une prière devant la Madone du Pérugin.

Les deux chambres voisines de la Tribune sont consacrées à l’école toscane. On y trouve trois ou quatre Beato Angelico délicieux ; la fameuse Tête de Méduse de Léonard de Vinci, faite pour un paysan qui demeurait dans la campagne même du père de l’auteur, et dont les couleuvres sont vivantes ; enfin ce portrait de Bianca Capello dont nous avons déjà parlé en racontant l’histoire romanesque de la fille adoptive de Saint-Marc.

Mais la chose la plus curieuse peut-être que renferme la galerie des Offices, ce qu’aucune autre galerie au monde ne peut se vanter de posséder, c’est cette merveilleuse collection de portraits d’artistes peints par eux-mêmes, qui commence à Masaccio, et qui se ferme à Bezzoli.

Comprend-on ce que c’est que trois cent cinquante por-