Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/149

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un autre signe, qui voulait dire : Venez à moi. Je m’empressai de suivre son conseil, et nous parvînmes à nous joindre dans un angle du palier.

— Qu’est-ce donc, lui demandai-je, et que se passe-t-il ? est-ce qu’il y a émeute à Florence ?

— Comment ! vous ne savez pas ? me dit-il.

— Quoi

— Quelle affaire on va juger ?

— Non.

— N’entendez-vous pas un nom que tout le monde répète ?

— Oui, celui d’Antonio Ciolli ; en bien ! après ? quel est cet homme ?

— Cet homme, c’est le chef de la société du Sang, c’est le capitaine des assassins de Livourne, qu’on a arrêté flagrante delicto avec quatre de ses complices.

— Vraiment ! est-ce que je puis voir juger cet homme ?

— Venez avec moi, j’ai mes privilèges comme avocat, je vous ferai entrer par une porte latérale, et je vous placerai aux postes réservés.

— Mille fois merci.

En effet, ce que monsieur Salvagnoli venait de me dire avait grandement excité ma curiosité ; il y avait plus d’un an, déjà qu’on racontait d’effroyables assassinats commis dans les rues de Livourne, de ces assassinats sans aucune cause, dont on cherche en vain les motifs, et dont les auteurs restent inconnus. Seulement des hommes au visage noirci avec de la suie, ou à la figure couverte d’un masque, passaient tout à coup près de quelque citoyen inoffensif, près de quelque femme attardée, près de quelque enfant joueur ; l’enfant, la femme ou l’homme jetaient un cri, chancelaient une seconde, puis tombaient dans leur sang : pendant ce temps l’assassin, qui ne s’arrêtait ni pour voler, ni pour dépouiller sa victime, tournait l’angle d’une rue et disparaissait.

On avait assassiné des gens à qui personne ne connaissait d’ennemis. Ce n’était donc pas des haines qui s’assouvissaient.

On avait assassiné de pauvres vieilles femmes qui n’avaient plus que quelques jours à passer sur la terre, et dont on ne