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droite ligne d’un prince régnant il y a à peine un demi-siècle. Il est vrai qu’ils avaient dans leur auditoire trois ou quatre rois détrônés. Cependant, comme une matinée musicale ne tire pas son principal charme du parfum d’aristocratie qu’elle répand autour d’elle, nous n’étions pas, il faut l’avouer, sans quelque crainte à l’endroit de l’exécution. Pour mon compte, j’avais en mémoire certains concerts d’amateurs auxquels, à mon corps défendant, j’avais assisté en France, et qui m’avait laissé d’assez tristes souvenirs. La seule différence que je voyais entre ceux que j’avais entendus et celui que j’allais entendre était dans la qualité des artistes, et je ne croyais pas que le titre de prince fût une garantie suffisante pour la tranquillité de mes oreilles. Je ne m’en rendis pas moins à l’heure indiquée à la salle de concert située sur l’emplacement des Stinché, qui sont les anciennes prisons de la ville. Telle est la progression des choses dans cette bonne et belle Florence. Si Dante y revenait, il trouverait probablement son Enfer changé en salle de bal.

La salle, si grande qu’elle fût, était comble ; cependant, grâce à l’attention des commissaires auxquels nous étions recommandés, nous parvînmes à trouver place. Bientôt la princesse Élise entra, conduite par le prince Joseph ; madame Laty la suivait, conduite par le prince Charles ; à leur vue, la salle tout entière éclata en applaudissemens. Cela ne prouvait rien : dans tous les pays du monde on applaudit une jolie femme, et la princesse Élise est une des personnes les plus gracieuses et les plus distinguées qui se puissent voir.

Nos amateurs étaient visiblement émus ; en effet, dès que l’on veut monter au rang d’artiste, il faut que le talent réponde à la prétention : un parterre, fût-il composé individuellement de grands seigneurs, devient un corps essentiellement démocratique par le fait même qu’il est un parterre. Au reste, cette crainte fut d’avance, pour moi, une preuve de supériorité : des chanteurs médiocres eussent eu plus d’aplomb.

Dès les premières notes, notre étonnement fut grand : ce n’étaient point des amateurs que nous entendions, c’étaient d’admirables artistes ; il serait peut-être impossible de trou-