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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/16

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ver, même sur les meilleurs théâtres de France et d’Italie, trois voix qui se mariassent plus harmonieusement ensemble que celles de la princesse Élise, du prince Joseph et du prince Charles ; en fermant les yeux, on pouvait se croire aux Bouffes, et parier pour Persiani, Rubini et Tamburini. En rouvrant les yeux seulement on se retrouvait en face de gens du monde. Tout le concert fut chanté avec cette supériorité d’exécution qui m’avait si prodigieusement étonné au premier morceau, et qui se soutint jusqu’au dernier. La séance finit comme elle s’était ouverte, par des tonnerres d’applaudissemens ; les illustres exécutans, rappelés dix fois, revinrent dix fois saluer leur frénétique auditoire. C’est que les princes Poniatowski appartiennent à une famille privilégiée, et que, s’ils perdaient leur fortune comme ils ont perdu leur trône, ils pourraient s’en refaire de leurs propres mains une aussi belle et peut-être bien aussi illustre que celle que leur père leur a léguée. En effet, on ne peut être à la fois plus grand seigneur et plus artiste que le prince Charles et le prince Joseph : le dernier en outre est poëte et musicien ; il a donné, pendant notre séjour à Florence, deux opéras de premier ordre, l’un sérieux, l’autre bouffe ; le premier intitulé Procida ; le second, Don Desiderio ; tous deux ont obtenu un succès de fanatisme. Mais aussi il faut dire que le prince Joseph a un grand avantage sur la plupart des compositeurs : son opéra fini, il appelle son frère et sa belle-sœur, leur distribue à chacun leur partie, et garde la sienne. Tous trois se mettent à l’étude ; un mois après, toute la société florentine est invitée à la salle Steindich, qui est le théâtre Castellane de Florence. Là, l’opéra est joué et chanté devant un public parfaitement mélomane, dont toutes les impressions sont étudiées par la maestro, auquel elles arrivent d’autant plus complètes qu’il est à la fois auteur et acteur. Il est vrai qu’il y a un point sur lequel on peut se tromper : c’est que, dans ces représentations préparatoires, l’opéra est souvent infiniment mieux exécuté qu’il ne le sera à la représentation définitive.

Lorsque nous partîmes de Florence, le prince Joseph, déjà salué par toute l’Italie du nom de maestro, composait un troisième opéra pour le théâtre de la Fenice à Venise.