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Le concert avait fini à trois heures ; nous avions juste le temps de rentrer chez nous, de dîner, et d’aller prendre la file au Corso. Le Corso, comme l’indique son nom, est une promenade dont le lieu varie selon les circonstances. Cette fois elle s’étendait de la porte al Prato au palais Pitti, passant d’une rive à l’autre de l’Arno et traversant le pont de la Trinité. Le Corso est, comme la Pergola, la réunion de toutes les élégances indigènes et exotiques. C’est le Longchamps de Florence, avec un beau ciel et vingt degrés de chaleur au lieu de trois degrés de froid. Là tout ce qui a un nom soit en i ou en o, en off ou en ieff, en ka ou en ki, vient rivaliser de luxe. Il en résulte que Florence, proportion gardée, est peut-être la ville du monde où il y a non-seulement les équipages les plus nombreux, mais aussi les équipages les plus magnifiques. Là encore nous retrouvâmes toute la famille Poniatowski ; seulement les artistes étaient redevenus princes.

Pendant deux heures chacun se promène, non pas pour se promener, mais pour montrer sa voiture et ses livrées. Les équipages les plus riches et les plus élégans sont ceux des princes Poniatowski, du comte Griffeo et du baron de la Gherardesca. Disons en passant que ce dernier est le seul descendant d’Ugolin, ce qui prouve, quoi qu’en dise Dante, que son aïeul n’a pas mangé tous ses fils.

Le Corso fini, chacun rentre en toute hâte pour faire toilette ; le Corso n’est qu’une espèce d’escarmouche, une affaire d’avant-garde ; on s’est donné en passant rendez-vous à la Pergola pour le combat général. C’est que contre son habitude, la Pergola, ce soir-là, doit être parfaitement éclairée. C’est, nous l’avons dit, jour de gala. Or le gala consiste à ajouter à l’illumination ordinaire un faisceau de huit ou dix bougies pour chaque loge. Mais les loges s’entêtent, et plus la salle s’éclaire, plus elles restent obscures. C’est beaucoup plus commode pour être chez soi, c’est vrai, mais c’est beaucoup moins avantageux pour les femmes que nos loges découvertes.

Ce qu’il y avait ce soir-là de diamans et de dentelles à la Pergola est incalculable. Toutes les vieilles richesses de ces vieilles familles étaient sorties de leurs écrins et de leurs bahuts. La salle ruisselait de pierreries ; cependant les victo-