Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/182

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ses prières antérieures, et dégoûtés de lui rendre service par son peu d’exactitude à remplir les promesses qu’il leur avait faites, ils ne le laissassent dans l’embarras. Il songea alors à saint Zanobbi qui, sans doute, ayant moins entendu parler de lui, serait peut-être plus disposé à lui rendre service, et s’adressa à Laurent le Magnifique pour qu’il obtînt de la famille Girolami qu’elle lui envoyât son anneau.

Laurent accepta l’ambassade et mena la négociation à bien : la famille Girolami consentit à se séparer momentanément de la précieuse bague, et elle fut envoyée en France par l’entremise du chapelain de la famille, qui fit serment de ne point la perdre de vue une seconde et de ne point s’en dessaisir un seul instant. En effet, le chapelain suspendit l’anneau à son cou avec une chaîne d’or, et pendant toute la route ne s’en sépara ni jour ni nuit.

Arrivé à la frontière, le chapelain trouva une escorte qui devait le conduire à travers la France jusqu’au Plessis-lès-Tours. C’est là que le vieux roi, abandonné de ses médecins, ne croyant plus aux saints français, attendait l’anneau miraculeux dans lequel résidait sa dernière espérance.

Quoique le chapelain fût habitué aux massives constructions de la Florence populaire, quoiqu’il eût parcouru les sombres corridors du Palais-Vieux, quoiqu’il eût sondé les murs épais du palais de Côme, in via Larga, et du palais Strozzi, place de la Trinité, il ne put s’empêcher de frémir en franchissant ces ponts-levis, en traversant ces herses, en s’engageant dans ces chemins couverts qui défendaient les abords de Plessis-lès-Tours. Ajoutons que les autres objets qui s’offraient à chaque pas sur son chemin n’étaient pas de nature à le rassurer : c’étaient dans la forêt qu’il venait de traverser des squelettes de pendus, dont les os cliquetaient au vent, et dont les corbeaux se disputaient les derniers débris ; c’étaient dans les salles basses le bourreau Tristan et ses deux acolytes ; c’était, à la porte de la chambre royale, l’ex-barbier Olivier Le Daim, qui venait d’être fait comte ; c’était enfin derrière tout cela le vieux tigre mourant, et, tout mourant qu’il était, capable de faire jeter le pauvre chapelain dans quelque cage de fer pareille à celle du car-