Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/194

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Messire Gualberti comprit que l’heure était venue, et, sans faire aucune autre observation, il embrassa son fils et lui permit de faire ce qu’il voudrait. Giovanni, qui était tout armé comme d’habitude, remit son gant, se fit amener son cheval, sauta dessus, et, piquant des deux, prit, suivi d’un seul écuyer, le chemin de Florence. C’était le neuvième jour anniversaire de la mort de son frère Hugo.

Arrivé à San-Miniato-al-Monte, Giovanni entra dans l’église, s’agenouilla devant le maître-autel, et fit sa prière ; ensuite il revint sur le seuil de l’église, et s’arrêta un instant pour regarder Florence, qu’il n’avait pas vue depuis neuf ans. Enfin, après un moment de cette pieuse contemplation que tout enfant au cœur filial accorde à sa mère, il remonta à cheval, et, toujours accompagné de son écuyer, il suivit l’étroit chemin qui de la basilique descend à Florence.

À l’autre extrémité de la route, un homme venait à sa rencontre à cheval comme lui, mais vêtu de drap et de velours, et sans autre arme que son épée. Quand Giovanni fut à cinquante pas de cet homme à peu près, il leva la tête, fixa ses yeux sur lui, et tout à coup frissonna tellement des pieds à la tête que son armure en rendit un son. Quoiqu’il y eût neuf ans qu’il n’eût vu Lupo, il avait cru le reconnaître, et, comme un voyageur qui aperçoit un serpent, il avait, par un mouvement instinctif, arrêté son cheval. Quant à Lupo, il ignorait complètement quel était ce cavalier qu’il avait devant lui ; il continua donc son chemin, insoucieux et sans soupçon. À mesure qu’il s’approchait, Giovanni s’assurait dans sa certitude et remerciait intérieurement Dieu ; car, dans son aveuglement, il ne doutait pas que Dieu ne fût le complice de sa vengeance. Enfin, quand Lupo ne fut plus qu’à quelques pas de Giovanni, il ne resta plus à ce dernier aucune incertitude. Saisissant son épée avec un cri de rage, il la tira du fourreau et la secoua au dessus de sa tête en se dressant sur ses étriers.

— À moi ! Lupo, à moi ! s’écria-t-il.

— Qui es-tu, et que veux-tu ? demanda Lupo étonné et s’arrêtant juste en face d’un tabernacle dans lequel était un crucifix pareil à celui qui se trouvait dans la chapelle du châ-