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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/195

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teau de Petrojo, et devant lequel Giovanni avait proféré son serment de vengeance.

— Qui je suis ! dit le jeune homme, qui je suis ! Écoute bien : Je suis Giovanni Gualberti, frère d’Hugo, que tu as assassiné il y a aujourd’hui neuf ans. Ce que je veux, je veux que tu aies ma vie ou avoir la tienne.

À ces mots, piquant son cheval des deux, il s’élança l’épée haute contre Lupo ; et comme celui-ci, pétrifié par la crainte, était resté immobile à sa place, en deux bonds il se trouva près de l’assassin, qui sentit la pointe de l’épée vengeresse sur sa poitrine.

Alors, se laissant glisser de son cheval, Lupo tomba sur ses genoux, et saisissant les pieds du jeune homme, il lui demanda grâce

— Grâce ! s’écria Giovanni, grâce ! Et lui as-tu fait grâce, à lui, misérable assassin ? Non, non, tu l’as tué sans pitié, sans miséricorde ; meurs donc à ton tour sans miséricorde et sans pitié !

À ces mots il leva le bras pour le frapper ; mais Lupo fit un tel effort que, d’un seul bond, il se retrouva de l’autre côté du chemin, au pied du crucifix qu’il entoura de ses bras.

— Grâce ! s’écria t-il ; au nom du Christ, grâce ! Giovanni éclata de rire, et, étendant son épée vers le crucifix :

— Eh bien ! lui dit-il, puisque tu demandes grâce au nom du Christ, que le Christ me fasse connaître par un signe qu’il te pardonne, et je te pardonnerai.

Alors (que le Seigneur Dieu fasse grâce à ceux qui douteront de sa toute-puissance), alors le Christ, qui avait la tête inclinée sur l’épaule droite, releva la tête, et l’abaissa deux fois sur sa poitrine en signe qu’il pardonnait à l’assassin.

À cette vue, Giovanni resta un instant muet et immobile ; son épée s’échappa de ses mains, puis, descendant à son tour de cheval, il s’avança les bras ouverts vers Lupo :

— Relève-toi, Lupo, lui dit-il d’une voix douce, et embrasse-moi ; car, à l’avenir, puisque le Christ veut que ce soit ainsi, tu me tiendras lieu de mon pauvre frère Hugo que tu as assassiné.

Et à ces paroles il pressa sur sa poitrine le meurtrier tout