Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tremblant, qui n’osait quitter le Christ miraculeux, et qui ne pouvait croire qu’une si profonde miséricorde eût pris si promptement la place d’une si terrible colère. Mais bientôt il n’eut plus de doute ; car Giovanni, lui ayant amené lui-même son cheval, lui fit signe de s’en retourner vers Florence, tandis que lui reprendrait la route de San-Miniato.

Son écuyer lui fit observer qu’il oubliait son épée sur la route ; il lui dit de la ramasser et de la déposer au pied du crucifix, pour témoigner qu’il renonçait à jamais non-seulement à sa vengeance, mais encore à toucher une arme destinée à donner la mort.

En effet, au lieu de retourner chez son père, Giovanni s’arrêta au couvent de San-Miniato-al-Monte ; et, ayant demandé à l’abbé de l’entendre en confession, il lui raconta l’événement qui venait de se passer ; il ajouta qu’il se sentait touché de la grâce de Dieu, et qu’il avait résolu de se faire moine. L’abbé de San-Miniato se rendit à l’instant même au château de Petrojo, où il trouva Gualberti, qui, depuis le départ de son enfant (tant dans le cœur d’un père l’amour l’emporte sur tout autre sentiment), n’avait pas goûté une minute de repos : aussi à peine eut-il aperçu le bon abbé que, croyant qu’il venait lui annoncer la mort de son fils, il se sentit près de défaillir. Mais l’abbé s’empressa de dire à messire Gualberti comment son fils avait rencontré le meurtrier de son frère, comment il avait voulu l’égorger, selon sa promesse, sans pitié ni miséricorde, et comment enfin, sur un signe du Christ, il lui avait pardonné.

Messire Gualberti vivait en une sainte époque, où l’on croyait aux miracles ; et, quoiqu’il vit l’espérance de la moitié de sa vie lui échapper, il répéta les paroles qu’il avait dites en apprenant la mort d’Hugo.

— Le Seigneur est grand et miséricordieux ! Que le nom du Seigneur soit béni !

Cependant il résolut de tenter un effort suprême pour détourner Giovanni de se faire moine. Giovanni était le seul fils qui lui restât, et en lui s’éteignait sa race si Giovanni prononçait ses vœux. Il partit donc pour San-Miniato avec sa femme. Mais Giovanni avait été trop profondément touché par la grâce pour retourner en arrière : il supplia ses pa-