Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/199

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les manuscrits, et ils ont fini par découvrir que Boccace n’était pas en Toscane à l’époque de la peste : Boccace était à Rome, dit l’un, et à Venise, dit l’autre. Il est vrai que Boccace dit positivement qu’il était à Florence ; mais, selon toute probabilité, c’est Boccace qui se trompe, et ce sont les savans qui ont raison. Ne croyez donc pas ceux qui vous diront que la villa Palmieri est la villa du Décaméron.

Décidément c’est une race bien poétique que celle des savans.

Au moins sur Careggi il n’y a pas de doute. C’est bien là que sont morts Cosme le Vieux et Laurent le Magnifique ; c’est bien là qu’a été élevé Léon X : aussi on peut visiter la villa Careggi de confiance, d’autant plus qu’il y a des étiquettes dans les chambres.

Careggi fut bâti par Cosme le Vieux sur les dessins de Michellozzo Michellozzi : il y avait alors par toute l’Italie une recrudescence classique, une rage de latin et de grec, et une hydrophobie de littérature nationale. Dante était proscrit une seconde fois ; c’était le sort de ce grand roi d’être tantôt régnant, tantôt exilé.

Les Grecs venus de Constantinople et les statues tirées des fouilles romaines avaient opéré ce miracle : puis les mœurs se corrompaient petit à petit ; la morale de la mythologie était plus commode que celle de l’Évangile, et les aventures de Léda, l’enlèvement d’Europe, la séduction de Danaé, peints sur les murs d’une chambre à coucher, étaient de moins sévères témoins de ce qui s’y passait, que la Madone au pied de la croix, ou le repentir de la Madeleine.

Le vieux Cosme destina donc Careggi à devenir l’asile de tous les savans proscrits qui chercheraient un toit et du pain. Au contraire de cet âpre escalier de l’exil dont parle Dante, celui qu’il étendit vers eux tut d’un accès facile et doux ; et Cosme mourut chargé d’ans et de bénédictions, après avoir donné à la peinture et à l’architecture l’impulsion païenne qui a changé le caractère de l’une et de l’autre, et qui les a faites toutes deux magnifiquement copistes au lieu d’être saintement originales.

Laurent hérita des richesses et du goût de son père ; bien plus, Laurent renchérit encore sur l’amour de l’antiquité :