Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/200

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Laurent fit de jolis petits vers païens que ne se serait jamais permis le sévère arithméticien de la Via Larga ; Laurent rassembla autour de lui tous les hellénistes et tous les latinistes de l’époque, les Ermolao Barbaro, les Ange Politien, les Pic de La Mirandole, les Marsilio Ficino, les Michele Mercati ; Laurent enfin rétablit à la villa Careggi les séances du jardin d’Acadème ; et un de ces académiciens ayant découvert que, le 17 novembre de chaque année, les disciples de Platon célébraient à Athènes la naissance de ce grand philosophe, il institua un pareil anniversaire, qui fut célébré chaque année à la villa Careggi, à grand renfort de lampions, de musiciens et de discussions philosophiques.

Ces discussions roulaient plus particulièrement sur l’immortalité de l’âme, cet éternel objet de discussion ; et ceux qui s’enfonçaient le plus avant dans cet abîme psychologique étaient presque toujours Marsilio Ficino et Michele Mercati ; si bien qu’un jour, désespérant de rien apprendre de certain sur un pareil sujet tant qu’ils seraient vivans, ils se firent la promesse positive que le premier des deux qui mourrait viendrait donner à l’autre des nouvelles de son âme. Ce point convenu, les amis furent plus tranquilles.

Mais celui qui devait le premier approfondir ce grand mystère était Laurent le Magnifique lui-même. Un matin, il se sentit tout à coup fort indisposé d’une forte fièvre combinée avec une attaque de goutte ; il était alors en son palais de Via Larga : il partit aussitôt pour sa belle villa de Careggi, emmenant avec lui un médecin fort en réputation qu’on appelait Pierre Leoni, de Spolète.

Celui-ci vit tout une fortune à faire dans la cure du Magnifique. Il déclara que le malade était atteint d’une indisposition toute particulière, qui devait se traiter avec des infusions de perles et des décompositions de pierres précieuses. On ouvrit à l’empirique les trésors de Laurent, il y puisa à pleines mains, ce qui n’empêcha point Laurent d’aller de plus mal en plus mal ; ce que voyant le Magnifique, il commença à oublier l’Olympe, les douze grands dieux, Platon, Zénon et Aristote, pour se faire lire l’Évangile et penser quelque peu à son salut.

Mais tout en faisant de petits vers au fleuve Ombrone,