Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/21

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Vieux, avait saisi les meubles de l’artiste ; de là ils iront chercher les fresques peintes en l’honneur des apôtres Philippe et Jean par frère Lippi ; puis ils passeront derrière l’autel, et trouveront dans le chœur le chef-d’œuvre de Guirlandajo, cette chapelle où Michel-Ange rêva la chapelle Sixtine ; ils termineront leurs investigations par le Saint Laurent de Marchetti, par le Martyre de sainte Catherine de Bugiardini, dont Michel-Ange a dessiné les soldats. Enfin ils s’inclineront devant les Crucifix de Giotto et de Brunelleschi, ces deux chefs-d’œuvre, l’un de naïve résignation, et l’autre de patiente souffrance ; ce fut ce dernier qui fit dire à Donatello : « C’est à toi, Brunelleschi, de faire des Christs, et à moi de faire des paysans. »

Ce n’est pas tout : après l’église viennent les cloîtres ; après les fresques d’Orgagna, les grisailles de Paul Uccello ; après la chapelle Strozzi, la chapelle des Espagnols ; après frère Lippi le peintre naturaliste et charnel, Simon Memmi le peintre idéaliste et religieux ; tout cela, église, chapelles, cloîtres, peintures, est renfermé dans un circuit de cinq cents pas, avec cette profusion qui distingue l’Italie, et qui fait de chaque édifice religieux une histoire de l’art.

J’achevais ma visite, lorsque j’entendis de grands cris de joie sur la place : à Florence, on ne crie jamais qu’en signe de plaisir. Je présumai qu’il se passait quelque chose de nouveau, et je courus à la porte qui donne sur la place. En effet, une ligne de soldats faisait évacuer aux spectateurs le cercle destiné à la course des chars : mais le curieux de la chose était la façon dont les soldats s’y prenaient pour obtenir ce résultat. En Toscane, nous l’avons dit, le peuple est le maître : c’est lui qu’il faudrait appeler monseigneur si l’on voulait remettre réellement chaque chose à sa place ; aussi les soldats ne lui parlent-ils en général que le chapeau à la main. On le prie de s’écarter ; on lui promet que c’est pour son plaisir qu’on le dérange, on lui assure qu’il s’amusera bien s’il veut obéir ; et alors ce bon peuple, qu’on repousse en riant, recule en riant, échangeant avec les soldats mille lazzis de facétieuse hilarité. Là, jamais de coups de crosse sur les pieds, jamais de bourrades dans la poitrine ; un soldat qui donnerait une chiquenaude à un bour-