Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/211

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nous prendrons la liberté de renvoyer nos lecteurs à Une année à Florence, où ils trouveront le fait narré dans les plus grands détails.

Quelque temps auparavant, Poggio a Cajano avait été témoin d’un événement non moins tragique : Bianca Capello, qui était coutumière du fait, ayant empoisonné le seul fils que François eût eu de sa femme Jeanne d’Autriche, par l’entremise d’une juive qui était près de l’enfant, le grand-duc, après avoir fait avouer à la juive le crime qu’elle avait commis, la poignarda de sa propre main.

Ces deux événemens jetèrent, comme on le comprend bien, une certaine défaveur sur la villa de Laurent le Magnifique. Aussi près d’un demi-siècle se passe sans que le nom de Poggio a Cajano soit prononcé par l’histoire ; lorsqu’il y reparaît, les temps sont changés, l’époque tourne à la comédie : nous y avons vu s’accomplir un acte de Shakspeare ; nous allons voir s’y passer une scène de Molière.

Je vous ai raconté les aventures du malheureux Cosme III, et comment il fut tourmenté dans son ménage par cette extravagante Marguerite d’Orléans, qui ne se tenait tranquille que lorsque le prince Charles de Lorraine passait par hasard à Florence, mais qui, dès qu’il était parti, recommençait ses fredaines, courait les terres labourées pour se faire avorter, et s’engageait avec des Bohémiens plutôt que de rester près de son époux au palais Pitti. Enfin le scandale devint si grand que Louis XIV et le grand-duc Ferdinand II s’en mêlèrent, et qu’on envoya la princesse récalcitrante en exil à Poggio a Cajano, espérant que la solitude amènerait la réflexion.

Malheureusement Marguerite d’Orléans possédait un de ces charmans caractères d’autant plus curieux à étudier qu’ils sont, j’aime à le croire, assez rares chez les femmes, mais grâce auxquels celles qui le possèdent passent leur vie non seulement à se tourmenter, ce qui est leur droit individuel, mais à tourmenter les autres, ce qui dépasse les limites du droit commun. Or, comme la douceur n’avait pu rien sur la jeune duchesse, on comprend si la sévérité échoua. Marguerite d’Orléans n’était jusque-là que méchante, volontaire et capricieuse, elle devint presque folle ; et quand son mari et