Cette lettre bouleversa le duc Cosme : il était difficile de voir plus d’impudence présider à une détermination plus scandaleuse. Il essaya donc encore par tous les moyens de ramener la duchesse à lui ; mais voyant qu’il n’y pouvait réussir, il consentit à sa demande, la fit reconduire à Marseille, lui assura une rente viagère de quatre-vingt mille francs, et, sur sa demande, l’autorisa à entrer dans le couvent de Montmartre.
La princesse Marguerite avait cru que son engagement de demeurer dans un couvent ne serait plus, arrivée en France, qu’une obligation à laquelle elle échapperait facilement ; elle fut donc fort étonnée lorsqu’elle reçut à la fois de Florence et de Versailles, de Cosme III et de Louis XIV, l’injonction de se tenir loin de la cour et de vivre dans la retraite la plus absolue. Ce n’était pas là-dessus qu’avait compté la grande duchesse. Aussi, bien vite lassée qu’elle fut de la vie claustrale, demanda-t-elle à aller demeurer chez sa sœur, qui habitait le palais du Luxembourg : cette demande lui fut refusée.
Alors la princesse s’avisa d’un expédient tout simple et qu’elle s’étonna de ne point avoir trouvé plus tôt.
C’était de mettre le feu au couvent.
Les trois quarts de l’abbaye y passèrent ; mais cet accident rendit quelques jours de liberté à la pauvre recluse, laquelle en profita pour adresser à son mari la dépêche suivante. Les amateurs de romans par lettres nous sauront gré, nous l’espérons, de ces deux échantillons du style épistolaire de la fille de Gaston d’Orléans.
« Décidément, je ne puis plus supporter vos extravagances : vous faites tout ce que vous pouvez contre moi près du roi Louis XIV ; vous me défendez d’aller à la cour, et en me faisant cette défense, non-seulement vous empirez mes affaires et les vôtres, mais encore vous perdez l’avenir de vos fils. Vous me poussez à un tel état de désespoir qu’il n’y a pas de jour où je ne souhaite non-seulement vous voir mourir, mais encore vous voir mourir pendu. Vous m’avez réduite à un tel état de rage continuelle que je n’ose plus recevoir les sacremens, et qu’ainsi vous serez cause que je me damnerai, et que ma damnation entraînera la vôtre, attendu