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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/215

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que qui perd une âme ne peut ni ne doit espérer de sauver la sienne. Mais au milieu de tout cela, ce qui fait mon plus grand chagrin, ce n’est pas précisément d’aller en enfer, mais d’y aller en votre compagnie ; ce qui fait qu’après avoir eu le tourment de vous voir en ce monde, j’aurai encore celui de vous voir dans l’autre. Si, au lieu de vous opposer à toutes mes demandes, vous m’aviez laissée me retirer tranquillement au Luxembourg près de ma sœur, qui est une sainte[1], je me serais laissée aller tout doucement à la dévotion, ce qui m’eût été facile, car je commençais à me faire instruire dans les obligations que nous avons envers Notre Seigneur Jésus-Christ, à telles enseignes que, pendant le voyage que je fis à Alençon avec ma sœur, j’avais presque pris déjà la résolution de me faire religieuse dans un hôpital ; car, quiconque vous interrogerez vous dira que pendant ce voyage, et tout le temps que je demeurai dans cette ville, je passai mes matinées à soigner les malades, et le reste de mes journées à visiter les religieuses de la Charité, faisant tout ce qu’elles faisaient sans dégoût et sans ennui. Mais aujourd’hui tout est changé ; je ne veux plus penser à faire le bien, mais à me jeter dans le mal, et vous me faites si désespérée que je sens que je n’aurai pas un instant de repos que je ne me sois vengée. Changez donc de manière d’être vis-à-vis de moi ; il est temps, je vous en préviens ; car, dussé-je signer un pacte avec le diable pour vous rendre fou, de rage, je le signerai. Toutes les extravagances qu’une femme peut faire et que, malgré tout son pouvoir, un mari ne peut empêcher, je les ferai. Ainsi, croyez-moi, écrivez purement et simplement au roi que vous ne voulez plus vous inquiéter ni de moi ni de ce que je ferai ; laissez-le me gouverner à sa manière sans tenter de me gouverner à la vôtre, et remettez-vous-en de tout ce que je ferai à Sa Majesté et à sa prudence : si vous faites cela, je vous promets d’essayer de me remettre bien avec Dieu : mais si vous ne le faites pas,

  1. Il est ici question de mademoiselle de Montpensier, dite la grande Mademoiselle, maîtresse de Lauzun. Nous l’indiquons à nos lecteurs, qui ne l’auraient peut-être pas reconnue sous l’épithète de sainte que lui donne sa sœur.