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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/217

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nèrent le règne de François Ier, ou des démêlés conjugaux qui désolèrent celui de Cosme III, Poggio a Cajano redevint, comme au temps de Laurent le Magnifique et de Cosme Ier, un lieu de plaisirs et de fêtes : c’étaient chaque jour bals, chants, spectacles ; malheureusement tous ces plaisirs éloignaient de plus en plus le jeune duc Ferdinand de sa femme. Aussi le grand-duc Ferdinand résolut-il de faire tout ce qu’il pourrait pour y mettre une fin, excité qu’il était chaque jour par les jalouses récriminations de Violente de Bavière.

Une idée vint alors au grand-duc ; elle lui fut suggérée on ne sait par qui ; c’était de mettre aux prises les deux favoris, et de les détruire, si la chose était possible, l’un par l’autre.

La chose n’était pas difficile ; il y a une pomme de discorde qui, jetée au milieu des artistes, ne manque jamais de produire son effet : c’est l’amour-propre blessé. Le grand-duc s’arrangea de manière à ce que, pendant trois ou quatre concerts et deux ou trois représentations théâtrales, la Bombagia fût applaudie et le Francesco de Castrès sifflé. Comme cela devait naturellement arriver, le soprano accusa la prima donna d’intrigue ; et un beau jour que ces deux importans personnages dînaient à la même table, s’étant pris de dispute à l’endroit de leur talent respectif, et la Bombagia ayant dit un mot piquant à de Castrès, celui-ci lui envoya au travers de la figure un pain de trois ou quatre livres qui se trouvait auprès de lui. À cette insulte, comme on le pense bien, la virtuose quitta la salle et courut, le visage tout couvert de larmes et de sang, se jeter aux pieds de Ferdinand, qui, la voyant dans ce déplorable état, lui promit une prompte vengeance. En conséquence il la pria de se retirer dans sa chambre ; et, feignant de tout ignorer, il fit, une heure après la scène que nous avons racontée, venir près de lui le coupable, et, sans lui rien laisser soupçonner de sa colère contre lui, il lui remit une lettre et lui ordonna de porter immédiatement cette lettre à son premier chambellan Torregiani, lequel était à Florence au palais Pitti. Le soprano, qui ignorait de quelle commission il était chargé, partit aussitôt sans avoir aucun soupçon, et aussitôt son arrivée à Florence s’empressa, pour obéir aux recommandations du prince, de porter cette lettre