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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/220

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Eugène répondit qu’il avait des engagemens pris avec les puissances alliées, et qu’il ne pouvait se rendre à l’invitation de son beau-père ; mais qu’aussitôt que Napoléon aurait passé le Rhin, il irait le rejoindre. Le prince Jérôme ne répondit rien, sinon que l’invitation de son frère était pour lui un ordre, et qu’il partirait le soir même.

Cependant la chose était plus facile à dire qu’à exécuter : les nouvelles arrivées de France rendaient de moment en moment la surveillance de la police plus active ; il fallait tout faire sans avoir l’air de rien préparer. Le prince attendit la visite du consul de Naples, qui avait l’habitude de le venir voir tous les jours, à deux heures, pour arrêter quelque chose avec lui.

Le consul vint à l’heure accoutumée : c’était monsieur Abatucci, dont le dévouement à la famille Napoléon était connu du prince Jérôme ; il n’hésita donc pas à lui tout dire, et à lui confier qu’il ne comptait que sur lui seul pour quitter Trieste ; monsieur Abatucci répondit au prince en mettant à sa disposition la chaloupe canonnière le Vésuve, laquelle faisait partie de la marine de Murat et se trouvait en ce moment dans le port de Trieste. Le prince accepta.

À l’instant même l’ordre fut donné au commandant de la chaloupe d’appareiller et de sortir du port, puis d’envoyer à minuit le canot sur un point de la plage qui lui était indiqué.

Deux personnes seulement étaient dans la confidence, la reine et monsieur Abatucci ; le commandant de la chaloupe lui-même ignorait qui il devait prendre.

À minuit, le prince quitta sa maison par une porte de derrière, accompagné de la reine ; à la sortie de la ville monsieur Abatucci les attendait : il se joignit à eux et les accompagna jusqu’au point de côte indiqué. La chaloupe les y attendait ; il n’y avait pas de temps à perdre : les adieux furent courts, le prince embrassa la reine et partit. Tant que dans l’obscurité d’une de ces belles nuits italiennes on put apercevoir la barque, la reine et le consul restèrent sur le rivage ; mais enfin la barque s’enfonça dans les ténèbres :