le prince était désormais sous la sauvegarde de la fortune fraternelle.
Le lendemain le prince avait en vue la côte de Sinigaglia. À son grand étonnement il s’y faisait un grand déploiement de forces : une armée magnifique défilait suivant le rivage ; le prince crut reconnaître les uniformes napolitains, et ordonna au commandant du Vésuve de le mettre à terre. Le prince s’avança vers une maison qu’il apercevait : c’était Casa-Bruciata, un relais de poste ; en même temps que lui une voiture attelée de six chevaux arrivait, un homme en descendit : c’était Murat.
Quoiqu’ils fussent loin de s’attendre à se rencontrer là, les deux beaux-frères se reconnurent à l’instant même. Murat donna au prince Jérôme, sur la marche triomphale de l’empereur à travers la France, des détails qu’il ignorait.
Cette entreprise gigantesque, que Murat essaya plus tard d’imiter, comme le corbeau imite l’aigle, lui avait monté la tête : il voulait balayer, disait-il, les Autrichiens de l’Italie, et donner la main à l’empereur par dessus les Alpes.
Pendant deux jours le prince Jérôme, qui avait appris par le roi de Naples que la frégate qui devait le transporter en France n’était pas encore arrivée, suivit l’armée de son beau-frère en amateur. On arriva ainsi jusqu’à Bologne.
À Bologne un officier supérieur anglais vint trouver Murat, chargé d’une mission secrète de son gouvernement. Murat le retint à souper ; mais en apprenant cette circonstance, le prince Jérôme fit dire à Murat que, ne voulant pas le gêner dans ses négociations, il se retirait. Le même jour, quelles que fussent les instances de Murat, le prince Jérôme partit pour Naples.
La frégate française venait d’arriver. Par une étrange coïncidence, elle portait le même nom que celle qui, sous les ordres du prince de Joinville, alla plus tard chercher le corps de Napoléon à Sainte-Hélène. C’était la Belle-Poule, de quarante-quatre canons.
Madame mère et le cardinal Fesch venaient d’arriver à Naples ; le prince les fit monter à son bord et partit avec eux pour la France.