Aller au contenu

Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

servi dans sa garde. Alors les prisonniers se mirent à crier : Gott den kœnig ! c’est-à-dire : Dieu protège le roi ! C’était l’exergue de la monnaie westphalienne. Alors le prince s’avança vers eux :

— Mes amis, leur dit-il, vous vous êtes bien battus. Mais vous vous êtes battus contre moi !

— C’est vrai, sire ; mais nous avons été habitués par vous même à toujours faire notre devoir.

— Eh bien ! dit le prince, voulez-vous rentrer à mon service ? Si vous avez été contens de moi, c’est maintenant qu’il faut me le prouver.

— Vive Jérôme ! crièrent à la fois soldats et officiers.

— C’est bien, dit l’empereur ; conduisez ces braves gens sur les derrières, rendez-leur leurs armes, organisez-les, et qu’ils soient incorporés dans la première division.

Cette première division était celle du prince. Les soldats s’éloignèrent en criant ; Vive l’empereur ! vive le roi Jérôme ! L’empereur les suivit quelque temps des yeux ; puis, se retournant vers son frère, il se fit rendre compte de ce qu’il avait fait, l’écoutant d’un air à demi distrait, car à son premier plan de bataille il en substituait en ce moment un second.

Au lieu d’écraser l’aile droite anglaise comme il l’avait résolu d’abord, et, par un changement de front, de tomber ensuite sur les Prussiens, il voulait maintenant percer le centre, lâcher une ou deux divisions sur l’aile droite, qui se mettrait en retraite sur Bruxelles, et avec le reste de l’armée écraser l’aile gauche anglaise et le corps prussien.

Ney arriva sur ces entrefaites. L’empereur, en le voyant couvert de boue et de sueur, lui tendit la main et demanda à boire. Jardin, son écuyer, apporta une bouteille de vin de Bordeaux et un verre. L’empereur but d’abord, puis passa le verre au prince Jérôme, qui but à son tour et le passa au maréchal Ney.

— Écoute, mon brave Ney, dit alors l’empereur en tirant sa montre et en la lui montrant ; il est trois heures et demie ; tu vas te mettre à la tête de toute la grosse cavalerie, douze mille hommes choisis parmi mes meilleurs soldats ;