Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/229

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avec cela on passe partout, et à quatre heures et demie tu donneras le coup de massue. Je compte sur toi.

On connaît l’effet de cette terrible charge. J’ai raconté ailleurs ces carrés anglais, ouverts, poignardés, anéantis ; j’ai montré Wellington désespéré, vaincu, calculant le temps matériel qu’il nous fallait encore pour égorger ces admirables troupes qui mouraient à leur poste sans reculer d’un pas, et appelant le seul homme ou la seule chose qui pût le sauver, Blücher ou la nuit.

Tous deux arrivèrent presque en même temps. La bataille était gagnée : le général Friant et le prince Jérôme venaient d'enlever la dernière batterie anglaise, lorsque Labédoyère accourut à grande course de cheval, annonçant que ce canon qui commençait à passer de notre extrême droite sur nos derrières, était le canon prussien.

Alors l’empereur ordonna la retraite. En un instant, et par un de ces retours de fortune qui, d’un souffle, renversent un empire, le victorieux se trouva vaincu. Non-seulement il se trouva vaincu, mais il reconnut que la retraite était impossible.

Alors il résolut de se faire tuer. Alors il se jeta dans le carré de Cambronne, sous le feu d’une batterie anglaise qui emportait des files entières, essayant toujours de pousser en avant son cheval, que le prince Jérôme tenait par la bride et forçait de retourner en arrière, tandis qu’un vieux général corse, le général Campi, quoique blessé dangereusement et se tenant à peine sur son cheval, couvrait continuellement de son corps le prince et l’empereur.

— Mais, Campi, lui dit le prince, tu veux donc te faire tuer ?

— Oui, répondit celui-ci, pourvu que ma mort sauve l’empereur.

Napoléon resta ainsi près de trois quarts d’heure, cherchant, appelant, implorant ces boulets et ces balles qui le fuyaient. Enfin, ce fatalisme auquel il avait toujours cru reprit le dessus sur son désespoir.

— Dieu ne le veut pas, dit-il. Puis, s’adressant à ceux qui l’entouraient :