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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/23

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qué de son compagnon ; ce qui fit que celui-ci, s’étant promis une seconde fois tout bas ce qu’il avait promis une première fois tout haut, avait préludé à cette concurrence en donnant à ses chevaux double ration d’avoine, et en leur faisant boire le fiasco de Montepulciano qu’on lui avait donné pour lui-même. Aussi les chevaux du cocher bleu montraient-ils une ardeur inaccoutumée ; et, si certain qu’il fût de la supériorité des siens, le cocher rouge ne laissait pas de jeter de temps en temps sur eux un regard assez inquiet.

Enfin le signal fut donné par une fanfare de trompettes et par le déploiement du vieux drapeau de la république : aussitôt les quatre concurrens, qui devaient faire trois fois le tour de la place en passant chaque fois derrière les deux obélisques placés à ses deux extrémités, s’élancèrent avec une rapidité qui fait honneur à la manière dont les postes de la Toscane sont servies. Mais du premier coup il fut facile de voir que la question principale se viderait entre le cocher rouge et le cocher bleu : les chevaux du second, excités par leur double mesure d’avoine, par leur bouteille de vin, et plus encore par la haine de leur conducteur, qui était passée dans son fouet, avaient retrouvé leur vigueur première. Forcé, par la disposition des chars réglée à l’avance par la police, de laisser à son adversaire la meilleure place, c’est-à-dire celle qui lui permettait de raser de plus près les deux obélisques, il essaya dès le premier tour d’enlever cet avantage au cocher rouge. Les juges du camp commençaient bien à s’apercevoir de cette rivalité, à laquelle ils ne s’étaient pas attendus, mais il était trop tard pour y remédier. Vers le milieu du second tour le cocher bleu essaya de couper le cocher rouge ; de son côté, le cocher rouge se trompa : un coup de fouet destiné à ses chevaux arriva droit sur la figure de son adversaire ; celui-ci riposta. À partir de ce moment, les deux concurrens frappèrent l’un sur l’autre, à la grande satisfaction de leurs chevaux, qui, partageant la rivalité de leurs maîtres, ne continuèrent pas moins de galoper de leur mieux. Mais un double accident résulta de ce changement : les deux cochers, trop occupés de frapper l’un sur l’autre pour conduire leurs chevaux, se trouvèrent lancés de telle manière qu’en arrivant à l’obélisque le cocher bleu accrocha