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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/243

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— Voyons un peu, dit-il à Bourrienne, comment se battent ces fameux mameluks, que les journaux anglais affirment être la première cavalerie du monde ; ils sont cinquante, je ne suis pas fâché qu’à la vue de l’armée mon brave Croisier leur donne la chasse avec ses quinze guides. Et il cria comme si Croisier eût pu l’entendre : — Allons, Croisier ! en avant ! en avant !

En effet, le jeune aide de camp s’avançait à la tête de ses quinze guides ; mais, soit que la supériorité du nombre intimidât la petite troupe, Croisier et ses hommes chargèrent mollement, ce qui n’empêcha pas les Arabes de plier devant. Craignant sans doute que l’ennemi ne voulût l’attirer dans une embuscade, Croisier, au lieu de les poursuivre en vainqueur, s’arrêta à l’endroit même d’où il venait de les débusquer. Cette hésitation rendit le courage aux mameluks, qui chargèrent à leur tour, et à leur tour les guides plièrent.

Bonaparte devint pâle comme la mort ; ses lèvres minces se pincèrent et blêmirent. Il porta, par un mouvement machinal, la main à la poignée de son sabre, et toujours, comme si son aide de camp eût pu l’entendre, il cria d’une voix sourde :

— Mais en avant donc ! Mais chargez donc! Mais que font-ils ?

Et, avec un mouvement de colère terrible, il referma la fenêtre.

Un instant après, Croisier rentra ; il venait annoncer à Bonaparte que les Arabes étaient disparus : il trouva le général en chef seul.

À peine la porte se fut-elle refermée sur Croisier que l’on entendit retentir la voix stridente de Bonaparte. Ce qui se passa entre eux nul ne le sait ; mais ce qu’on sait seulement, c’est que le jeune homme sortit les larmes aux yeux et en disant :

— C’est bon ! Ah ! l’on doute de mon courage ; eh bien ! je me ferai tuer !

Pendant dix mois, à Chebreisse, aux Pyramides, à Jaffa, Croisier fit tout ce qu’il put pour tenir la parole qu’il avait