— Non, mais cela prouve que vous ne connaissez pas une nouvelle terrible, et que nous aurions voulu que vous apprissiez, mon frère et moi, par d’autres que par nous.
— Laquelle, mon Dieu ! rien qui vous soit personnel, j’espère, monseigneur ?
— Non, mais vous venez de perdre, vous, une des personnes que vous aimiez le plus au monde.
Deux idées se présentèrent simultanément à mon esprit : — mes enfans — le prince royal.
Ce ne pouvait être mes enfans ; si un accident leur fût arrivé, j’en eusse été prévenu tout d’abord et avant personne.
— Le duc d’Orléans ? demandai-je avec anxiété.
— Il s’est tué en tombant de voiture, me répondit le prince Jérôme.
Je dus devenir très pâle ; je me sentis chanceler : je m’appuyai sur le prince Napoléon en portant mes deux mains à mes yeux.
Comme ils l’avaient pensé tous deux, le coup avait été profond et terrible.
Le prince Napoléon comprit tout ce que je souffrais.
— Mon Dieu ! me dit-il, ne vous laissez pas abattre ainsi tout d’abord ; la nouvelle n’a encore rien d’officiel, et est peut-être fausse.
— Oh ! monseigneur, répondis-je, quand un bruit pareil se répand sur un prince comme le duc d’Orléans, hélas ! on peut se fier à la mort, le bruit est toujours vrai. Je tendis de nouveau la main à ces deux neveux de l’empereur qui venaient, les larmes aux yeux, de m’annoncer la mort du fils aîné de Louis-Philippe, et j’allai pleurer à mon aise dans un coin du jardin.
Mort ! quel terrible assemblage de lettres toujours, mais comme dans certains cas il devient plus terrible encore ! Mort à trente et un ans, mort si jeune, si beau, si noble, si grand, si plein d’avenir ! mort quand on s’appelle le duc d’Orléans, quand on est prince royal, quand on va être roi de France !