Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/257

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— Oh ! mon prince, mon pauvre prince ! dis-je tout haut, et j’ajoutai tout bas avec la voix de mon cœur… mon cher prince !

Beaucoup l’aimaient sans doute, et le deuil général, le cri de la douleur universelle ont prouvé cet amour, mais peu le connaissaient comme je l’avais connu, peu l’aimaient comme je l’avais aimé… Je puis en répondre hautement.

Pourquoi est-ce que j’écris cela, que je dis cela ? je n’en sais rien. Le poëte est comme la cloche : à chaque coup qui l’atteint, il faut qu’il rende un son ; chaque fois que la douleur le touche, il faut qu’il jette une plainte. C’est sa prière à lui.

Le duc d’Orléans était mort J’avoue que pour moi toutes choses venaient de se briser par un seul mot. Je ne voyais plus rien, je n’entendais plus rien ; seulement les battemens de mon cœur disaient en moi : Mort ! mort !  ! mort !  !  !

J’allai au prince Napoléon. — Mais quand ? quel jour ? de quelle façon ? lui demandai-je.

— Le 15 juillet, à quatre heures du soir, en tombant de voiture.

Je retournai à la place que je venais de quitter. Le 15 juillet ! Qu’avais-je fait ce jour-là ? Quel pressentiment avais-je éprouvé ? Quelle voix était venue murmurer à mon oreille l’annonce de ce grand malheur ? Je ne me souvenais de rien ; non, ce jour avait passé comme les autres jours, plus gaîment, que sais-je ? Ce jour-là, pendant qu’il expirait, mon Dieu ! je riais peut-être, moi ; ce jour-là, à coup sûr, j’avais été à la promenade, au spectacle, dans quelque bal, comme les autres jours.

Oh ! c’est une des grandes tristesses de notre humanité que cette courte vue qui se borne à l’horizon, que cet esprit sans prescience, que ce cœur sans instinct ! tout cela pleure, tout cela crie, tout cela se lamente quand on sait ce qui est arrivé ; mais tout cela ne devine rien de ce qui arrive.

Pauvres aveugles et pauvres sourds que nous sommes !

Cependant, à force de chercher dans mes jours passés, voilà ce que j’y retrouvai ; c’était assez étrange : nous étions partis le 27 juin, le prince Napoléon et moi, de Livourne ;