Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/264

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si bien compris. Le duc d’Orléans me le nomma alors. J’ai oublié son nom. C’est un de ses aides de camp, je le sais bien, ou Bertin de Vaux, ou Chabot-Latour, ou d’Elchingen.

Dix minutes après, le duc d’Aumale, sain et sauf, après s’être acquitté de son message avec le courage et le calme d’un vieux soldat, était de retour près de son frère.

Je vous l’ai dit, toute cette petite histoire est bien pâle, écrite par moi ; racontée par le prince lui-même, avec sa voix tremblante, avec ses yeux mal essuyés, c’était une chose adorable.

Oh ! s’il m’avait été permis d’écrire cette vie, si courte et cependant si remplie ! de raconter, presque un à un, comme depuis quatorze ans je les avais vus passer devant moi, ces jours tantôt sombres, tantôt sereins, tantôt éclatans ! si de cette existence privée j’avais eu le droit de faire une existence publique, on se serait agenouillé devant ce cœur si bon, si pur et si grand, comme devant un tabernacle.

Il y avait en lui trop de choses venant de Dieu. Ses vertus appauvrissaient le ciel. Dieu l’a repris avec ses vertus, et maintenant c’est la terre qui est veuve.

Depuis quatorze ans, comprenez-vous bien, je lui avais tour à tour demandé l’aumône pour les pauvres, la liberté pour les prisonniers, la vie pour les condamnés à mort, et pas une seule fois, pas une seule fois, je n’avais été refusé.

Aussi, il était tout pour moi, cet homme à qui cependant je n’avais rien demandé pour moi ![1]

On venait à moi pour une chose juste, quelle qu’elle fût, réclamation ou prière ; vieux compagnon du champ de bataille, ou jeune camarade de collège :

— C’est bien, disais-je, la première fois que je verrai le prince, je lui en parlerai.

Et la chose était faite, si toutefois, je le répète, la chose était juste à faire.

  1. Il y a des gens qui ont dit que monsieur le duc d’Orléans me faisait une pension de douze cents francs !… pour payer mes ports de lettres sans doute !… Les imbéciles !