C’est que le prince avait autant de justesse dans l’esprit que de justice dans le cœur ; c’était un mélange de bon et de grand. Il sentait comme Henri IV ; il voyait comme Louis XIV.
Aussi, en même temps qu’au duc d’Aumale j’écrivais à la reine, non pas, Dieu merci ! pour tenter de la consoler. La Bible elle-même avoue qu’il n’y a pas de consolation pour une mère qui perd son enfant. Hache ! ne voulut pas être consolée parce que ses enfans n’étaient plus. Et noluit consolari quia non sunt.
Ma lettre avait quatre lignes, je crois. Voilà ce que je lui disais :
« Pleurez, pleurez, madame. Toute la France pleure avec vous.
Pour moi, j’ai éprouvé deux grandes douleurs dans ma vie : l’une, le jour où j’ai perdu ma mère ; l’autre, le jour où vous avez perdu votre fils. »
Puis, à la princesse royale, à la duchesse d’Orléans, à cette double veuve d’un mari et d’un trône, je n’écrivis rien, je crois ; je me contentai d’envoyer cette prière pour son fils : « O mon père ! qui êtes aux cieux, faites-moi tel que vous étiez sur la terre, et je ne demande pas autre chose à Dieu pour ma gloire, à moi, et pour le bonheur de la France. »
Un mot sur le royal enfant et sur cette auguste veuve. Le 2 janvier dernier, j’étais allé faire ma visite de bonne année au prince royal. Après quelques instans de causerie :
— Connaissez-vous le comte de Paris ? me demanda-t-il.
— Oui, monseigneur, répondis-je ; j’ai en l’honneur de voir Son Altesse déjà deux fois. Et je rappelai au prince dans quelles circonstances.
— N’importe, me dit-il, je vais l’aller chercher pour que vous lui fassiez vos complimens.
Il sortit et rentra un instant après, tenant l’enfant par la main ; puis, s’approchant de moi avec cette gravité qui était un des charmes de sa plaisanterie intime :
— Donnez la main à monsieur, lui dit-il ; c’est un ami de papa, et papa n’a pas trop d’amis.