Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/271

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Il y a en Italie un proverbe qui dit, ou plutôt un préjugé qui croit que, lorsqu’on fait faire son portrait en pied, on meurt dans l’année.

J’avais demandé, six semaines auparavant, en voyant le portrait de monsieur Ingres, pourquoi le cadre coupait la peinture au-dessous des genoux.

On m’avait répondu, je ne sais si la chose est vraie, que la reine avait supplié son fils de ne point faire faire son portrait en pied, et que le prince, en souriant aux craintes maternelles, avait accordé cette demande à la reine.

Cette gravure était posée sur un canapé. Je m’agenouillai devant le canapé.

Asseline rentra. Nous nous jetâmes dans les bras l’un de l’autre. Il m’avait gardé un billet ; je ne lui avais pas écrit, mais il avait compris que je devais venir.

Puis il s’était douté que je ne voudrais quitter le corps du prince qu’à la porte du caveau royal, et il avait demandé pour moi la permission de le suivre à Dreux. Alors recommencèrent les douloureuses questions et les tristes réponses. Le malheur était si inattendu que je n’y pouvais croire, et qu’il me semblait que je faisais un rêve dont le bruit de ma parole allait me réveiller.

À neuf heures, je partis pour Notre-Dame. Les rues de Paris avaient un aspect de tristesse que je ne leur avais jamais vu. Puis, pour moi, chaque signe de douleur était nouveau et parlait tout haut à ma douleur. Ces drapeaux avec des crêpes, ces bannières avec leurs chiffres ; Notre-Dame toute entière avec sa tenture, Notre-Dame pareille à un grand cercueil, renfermant l’espoir public qui-venait de mourir, Notre-Dame transformée en chapelle ardente avec ses trente mille cierges qui en faisaient une fournaise ; toutes ces choses que les Parisiens voyaient depuis longtemps, tout ce spectacle funèbre auquel ils étaient habitués depuis une semaine, je le voyais, moi, pour la première fois, et il me parlait à moi plus haut qu’à personne.

De la tribune où j’étais, je voyais parfaitement le cercueil ; j’aurais donné, je ne dirai pas de l’argent, mais des jours, mais des années de ma propre vie pour aller m’age-