gnés. Nous vîmes arriver la garde nationale de Vendôme. Les braves gens qui la composaient avaient fait quarante cinq lieues à pied, et s’éloignaient dix jours de leurs affaires pour venir assister à cette dernière revue que devait passer le prince royal.
Et cependant il n’y avait ni croix, ni coups de fusil à venir chercher ; ces deux mobiles avec lesquels on fait faire aux Français tant de choses.
Il y avait un cercueil à accompagner jusqu’au caveau mortuaire, voilà tout. Il est vrai que ce cercueil renfermait l’espoir de la France.
À mesure que les gardes nationaux arrivaient, on les plaçait en baie sur la route. À chaque instant cette haie s’allongeait et s’épaississait ; elle couvrit bientôt plus d’une demi-lieue de terrain.
Dès le matin nous nous étions assurés que nous pourrions entrer dans la chapelle. Comme la chapelle de Dreux est une simple chapelle de famille, il y tient à peine cinquante ou soixante personnes. J’avais été à cette occasion trouver le sous-préfet, et le hasard avait fait que ce sous-préfet était Maréchal, un de mes anciens amis. Lui aussi, il avait connu personnellement le prince ; je n’eus donc point affaire à une douleur officielle, mais à une grande et réelle affliction. Il nous dit de ne pas le quitter, et qu’ainsi il répondait de nous faire entrer.
En ce moment on annonça que le cercueil était en vue de la ville. De ce moment le télégraphe avait commencé à marcher. Il correspondait avec celui du ministre de l’intérieur, qui, à l’aide d’hommes à cheval, correspondait lui-même avec les Tuileries. En moins d’un quart d’heure la reine savait chaque détail de la cérémonie funèbre ; elle pouvait donc suivre du cœur ce cercueil bien-aimé qu’elle n’avait pu suivre des yeux ; elle pouvait donc assister en quelque sorte à la messe mortuaire ; elle pouvait, agenouillée dans son oratoire, mêler sa prière et ses larmes aux larmes et aux prières qui coulaient et murmuraient à vingt lieues de là. Aussi y avait-il quelque chose de triste et de poétique dans le mouvement lent et mystérieux de cette machine qui, à travers les airs, portait à une mère en pleurs les dernières