Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/276

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nouvelles de son fils trépassé, et qui ne s’arrêtait que pour recevoir sa réponse.

Nous nous acheminâmes au devant du corps. Tout le trajet que le char funèbre devait parcourir depuis la poste jusqu’à la chapelle, était tendu de noir, et à chaque maison pendait un drapeau tricolore pavoisé de deuil.

Arrivés au bout de la rue, nous aperçûmes le char arrêté : on descendait le cœur, qui devait être porté à bras, tandis que le corps devait suivre, traîné par six chevaux caparaçonnés de noir. Je me retournai vers le télégraphe : le télégraphe annonçait à la reine la douloureuse opération qui s’accomplissait en ce moment.

Oh ! suprême bienfait des larmes ! don céleste fait par la miséricorde infinie du Seigneur à l’homme, le même jour où, dans sa sagesse mystérieuse, il lui envoyait la douleur !

Nous attendîmes ; le cercueil s’approchait lentement, précédé par l’urne de bronze dans laquelle était renfermé le cœur. Urne et cercueil passèrent devant nous, puis les aides de camp du prince, portant le grand cordon, l’épée et la couronne ; puis les quatre princes, tête nue, en grand uniforme et en manteau de deuil ; puis la maison militaire et civile du roi, au milieu de laquelle on nous fit signe de prendre notre place.

J’aperçus Pasquier : il était changé comme s’il eût manqué de mourir lui-même.

Pauvre Pasquier ! c’était à lui qu’était échue la plus rude épreuve. Après avoir vu mourir le prince dans ses bras, c’est lui qui avait fait l’autopsie ; il avait coupé par morceaux ce corps auquel, pour épargner une souffrance, il eût, de son vivant, donné sa propre vie.

Comprenez-vous une douleur plus grande que celle du médecin qui, près d’un agonisant bien-aimé, lisant seul dans l’avenir de Dieu, et reconnaissant qu’il n’y a plus d’espérance, est forcé d’arrêter les larmes dans ses yeux, de pousser le sourire sur ses lèvres pour rassurer un père, une mère, une famille au désespoir ; qui ment par religion, et qui, sentant l’impuissance de son art, se condamne lui-même, pour accomplir le devoir qui lui est imposé par la science, à torturer, pieux bourreau, ce pauvre mourant