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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/277

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dont, sans lui peut-être, l’agonie au moins serait douce ; puis, après la mort, qui est condamné à aller, le scalpel à la main, chercher jusqu’au fond du cœur, dont trente ans il a écouté avec inquiétude les pulsations, les causes de cette mort et les traces qu’elle y a laissées en passant !

Voilà ce qu’il avait souffert. Aussi, en regardant en arrière, il ne comprenait pas le courage qu’il avait eu ; il frissonnait à la seule pensée de ce qu’il avait fait.

Une fois, il y a trois ans, on avait craint pour le prince. Quelques symptômes de phthisie pulmonaire avaient effrayé l’amitié de ceux qui l’entouraient. Personne n’avait osé prévenir le malade, dont les journées pleines de fatigue et dont les nuits pleines de veilles pouvaient empirer l’état.

Alors je m’étais chargé d’écrire au prince, et je lui avais écrit.

Pourquoi m’est-il impossible de publier la lettre qu’il me répondit à cette occasion !…

L’autopsie avait prouvé que ces craintes étaient non-seulement exagérées, mais encore dénuées de tout fondement. Il est vrai que Pasquier avait toujours répondu sur sa tête qu’il n’y avait rien à craindre de ce côté.

Près de lui était Boismilon, sous l’œil duquel le prince royal avait grandi. Le maître, tout brisé de douleur, suivait le deuil de son élève.

— Il y aujourd’hui douze ans, me dit-il, que le prince rentrait à Paris à la tête de son régiment ; vous le rappelez vous ?

Oui, certes, je me le rappelais ! Il m’avait serré la main en passant, tout resplendissant d’enthousiasme et de joie dans son uniforme de colonel de hussards.

Quatre ans après, en lui rappelant qu’il avait porté cet élégant uniforme, je sauvais, par son intermédiaire, la vie à un soldat de ce régiment condamné à mort. Hélas ! le pauvre soldat ressuscité ne peut plus même prier aujourd’hui pour celui qui l’a tiré du tombeau ! La mort n’a pas voulu tout perdre : elle a étendu la main si près de lui qu’il en est devenu fou.

Le prince payait sa pension dans une maison de santé.