Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/34

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faisant un dernier signe d’adieu à Bernard Buontalenti, il s’éloigna au galop et disparut bientôt au coin de la Via Mazetta.

Ce fut la seule fois que le poète et l’architecte se virent, ce qui ne les empêcha point de conserver l’un pour l’autre une éternelle amitié.

À quelques pas du lieu où se passa cette scène, se lève, plus imposant par sa masse que remarquable par son architecture, le palais de Lucca Pitti.

Philippe Strozzi le Vieux avait fait élever, comme nous l’avons dit, près de la place de la Trinité, un palais qui, par sa forme, sa masse et sa solidité, faisait l’admiration de Florence. Lucca Pitti en fut jaloux ; surpassant à cette époque Strozzi en richesses, il voulut le surpasser en magnificence. Il fit venir Brunelleschi, que sa coupole du Dôme venait de faire le premier architecte du monde, et il lui dit qu’il voulait un palais dans la cour duquel pût tenir à son aise tout le palais Strozzi. Brunelleschi se mit à l’œuvre, et quelques jours après apporta à son riche patron un plan qui fut approuvé, et que l’on commença aussitôt à mettre à exécution.

Ceci se passait vers 1440 à peu près. Il y avait alors une opposition à Florence, et Lucca Pitti était le chef de cette opposition, dont Pierre le Goutteux était l’objet. Placé entre Cosme-le-Grand qui venait de mourir, et Laurent le Magnifique qui venait de naître : perdu dans l’ombre de ses calculs, enfoncé dans la nuit de son agio, retenu par ses infirmités dans l’une ou dans l’autre de ses nombreuses villas, Pierre de Médicis est l’ombre qui fait ressortir les deux grands hommes entre lesquels il se trouve étouffé : l’opposition était donc de mode contre lui, et Lucca Pitti devait son crédit, sa fortune, sa popularité, à son titre de chef de cette opposition.

Aussi, lorsqu’il annonça l’intention de faire bâtir un palais qui effaçât les autres palais en magnificence, et fit rentrer dans l’ombre le beau palais du vieux Cosme et le sombre palais de Strozzi, toutes les sympathies se groupèrent autour de lui. Les riches lui offrirent leurs bourses, les pauvres offrirent leurs bras, et il n’eut qu’à choisir ceux qu’il voulait bien faire les élus de son orgueilleuse fantaisie ; et, grâce