Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

obéi : il ordonna, et l’épouse rebelle eut l’air de se soumettre ; si bien que vers la fin de 1666 on annonça officiellement une seconde grossesse. Mais en même temps, et par un hasard étrange qui renouvela les mêmes bruits qui avaient déjà couru à l’époque de la naissance du jeune duc Ferdinand, on parla d’intrigues avec un Français de basse classe, et le bruit se répandit que la princesse devait fuir avec lui. Il résulta de ce bruit qu’on l’observa plus attentivement ; et une nuit on l’entendit, par une des fenêtres du rez-de-chaussée du palais Pitti, nouer avec un chef de bohémiens un plan d’évasion. Perdue dans sa troupe, revêtue d’un costume de gitana, elle devait fuir avec les misérables qu’il traînait avec lui.

Une pareille aberration étonna d’autant plus le grand-duc que la jeune princesse était enceinte de quatre mois à peu près. On redoubla donc de surveillance ; mais alors, voyant que toute fuite lui était devenue impossible, elle fut prise d’un désir étrange pour une mère, c’était celui de se faire avorter. D’abord ce fut en montant à cheval et en choisissant les chevaux les plus durs au trot qu’elle essaya de mettre le projet à exécution ; puis, quand on les lui ôta, ce fut en marchant à pied, et en un jour elle fit sept milles dans les terres labourées : puis enfin, quand tous les moyens de nuire à son enfant furent épuisés, elle tourna sa haine contre elle-même et voulut se laisser mourir de faim. Il fallut la prudence et la douce persuasion du grand-duc Ferdinand pour la faire renoncer à ce projet et pour la conduire à la fin de sa grossesse, où elle accoucha de la princesse Anne-Marie-Louise.

Alors le grand-duc employa un moyen qui lui avait déjà réussi : c’était de faire faire un second voyage à son fils et d’écrire une nouvelle lettre à Louis XIV. En effet, vers le mois d'octobre suivant, lorsque Cosme s’est bien assuré que la répulsion de sa femme pour lui est toujours la même, il quitte le palais Pitti pour faire un voyage incognito en Allemagne et en Hollande, visite Inspruck, descend le Rhin, parle, à leur grande satisfaction, le latin le plus pur aux savans hollandais et allemands, trouve à Hambourg la reine Christine de Suède, la félicite sur son abjuration, et revient en Toscane, où tout le monde le reçoit bien, excepté la