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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/53

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cesse Anne-Marie de Saxe-Lowenbourg ; mais, à son arrivée, son désappointement est grand : au lieu d’une femme douce, gracieuse et élégante, comme il la voyait dans ses rêves, il trouve une espèce d’Amazone du temps d’Homère, rude de voix et de manières, habituée à vivre dans les bois de Prague et dans les solitudes de la Bohème, dont les seuls plaisirs sont les cavalcades et la chasse, et qui avait contracté dans les écuries, où elle passait le meilleur temps de sa vie, l’habitude de parler à ses chevaux un langage inconnu à la cour de Toscane. N’importe, Jean-Gaston est bon ; ses sympathies, à lui, ne doivent compter pour rien quand il s’agit du bonheur de son pays. Il se sacrifie donc, il épouse la nouvelle Antiope ; mais celle-ci, qui sans doute voit dans sa douteur de la faiblesse, et dans sa courtoisie de l’humilité, prend en mépris un homme qu’elle regarde comme au-dessous d’elle, et Jean-Gaston humilié commande ; la fière princesse allemande refuse d’obéir, et alors toutes les discussions qui ont attristé le mariage du père viennent assaillir l’union du fils. Cosme alors, pour faire diversion à ses chagrins, suit l’exemple de son frère Ferdinand, se jette dans le jeu et dans les orgies, mange à l’un son apanage, ruine à l’autre sa santé, et bientôt Cosme III reçoit avis des médecins que l’état de faiblesse dans lequel est tombé son fils leur ôte tout espoir qu’il puisse jamais donner un héritier à la couronne.

Alors le malheureux grand-duc tourne les yeux vers le cardinal François Marie, son frère, qui n’a que quarante-huit ans, et qui par conséquent est encore dans la force de l’âge. C’est lui qui fera reverdir le rameau des Médicis. Le cardinal renonce à ses honneurs ecclésiastiques et à la chance d’être pape, et bientôt ses fiançailles avec la princesse Éléonore de Gonzague sont célébrées. Alors la joie renaît dans la famille, mais la famille est condamnée. Les refus que l’ex-cardinal a pris dans les premiers jours de son mariage pour les derniers combats de la pudeur se prolongent au delà du terme ordinaire ; François-Marie commence à s’apercevoir que sa femme est décidée à n’accomplir du mariage que les cérémonies extérieures : il emploie l’autorité paternelle, il appelle à son secours l’influence de la religion ; il prie, conjure, menace même ; tout est inutile ; et tandis