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de la maison de Rovère, chefs-d’œuvre parmi lesquels se trouvait le buste colossal de l’Antinoüs, et fit tout porter en grande pompe à ce magnifique musée à l’enrichissement duquel chacun applaudissait toujours, quoique les trésors qu’il amassait successivement y fussent moins versés par la générosité que par l’orgueil.

Le grand-duc Cosme III avait pour devise un navire en mer guidé par les étoiles des Médicis, avec cet exergue : — Certa fulgent sidera — Il est curieux que cette devise ait été justement choisie au moment où les étoiles allaient s’éteindre, où le navire allait sombrer !

Les Toscans voyaient avec effroi Jean-Gaston arriver à la toute-puissance. Ses débauches, si bien cachées qu’elles fussent dans les salles basses du palais Pitti, avaient débordé au dehors, et l’on parlait de voluptés monstrueuses qui rappelaient à la fois celles de Tibère à Caprée et celles de Henri III au Louvre. Comme le tyran antique et comme l’Héliogabale moderne, Jean Gaston avait à la fois un troupeau de courtisanes et un monde de mignons, pris les uns et les autres dans les basses classes de la société. Tout cela recevait un traitement fixe, mais qui pouvait s’augmenter selon la vivacité des plaisirs qu’ils procuraient à leur maître. Il y avait un nom nouveau créé pour cette chose nouvelle. On appelait les femmes ruspante et les hommes ruspanti, du nom de la monnaie d’or dont ils étaient payés et que l’on nommait ruspone. Tout cela est si anti-humain que cela en devient incroyable. Mais les mémoires du temps sont là, tous uniformes, tous accusateurs, tous enfin constatant, dans le style cynique de l’époque, les mille épisodes de ces saturnales que l’on croirait les caprices de la force, et qui n’étaient que le dévergondage de l’épuisement.

Aussi, lorsque Jean-Gaston monta sur le trône, tout était mort autour de lui, et il était mourant lui-même. Cependant, réveillé un instant par le danger que courait cet allégorique vaisseau que son père avait choisi pour armes, il rappela toute sa vie pour réagir contre la situation désespérée dans laquelle il se trouvait : à peine nommé grand-duc, il chasse de sa cour les vendeurs de places, les prévaricateurs et les espions ; la peine de mort, si fréquente sous son père, mais