Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/56

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qui n’était terrible qu’aux pauvres, vu qu’à prix d’argent les riches pouvaient s’en racheter, fut à peu près abolie. Forcé de renoncer au trône pour une descendance qu’il avait perdu tout espoir d’obtenir, il fit tout ce qu’il put au moins pour que la Toscane, ainsi que c’était son droit réservé vis à-vis de Charles Quint et de Clément VII, pût lui choisir un successeur élu dans son propre sein, et par conséquent se soustraire à la domination étrangère qui la menaçait. Mais les ministres de France, d’Espagne et d’Autriche brisèrent ce reste de volonté, et, Gaston vivant, lui donnèrent pour successeur, comme s’il était déjà mort, le prince don Carlos, fils aîné de Philippe V, roi d’Espagne, qui semblait effectivement, par son aïeule Marie de Médicis, avoir les droits au trône de Toscane, et en vertu de cette décision, le 22 octobre 1731, Jean-Gaston reçut de l’empereur une lettre qui lui annonçait le choix fait par les puissances, et qui mettait le prince don Carlos sous sa tutelle. Jean Gaston froissa la lettre et la jeta loin de lui en murmurant : — Oui, oui ; ils me font la grâce de me nommer tuteur, et ils me traitent comme si j’étais leur pupille. Mais quelle que fût la douleur de Gaston, il lui fallut se soumettre ; il courba le front et attendit son successeur, qui, protégé par la flotte anglo-espagnole, entra dans le port de Livourne dans la soirée du 27 septembre 1731. Jean-Gaston avait lutté neuf ans, c’était tout ce qu’on pouvait demander de lui.

Jean-Gaston attendit le jeune grand-duc au palais Pitti et le reçut sans quitter son lit, plus encore pour s’épargner les formalités d’étiquette qu’à cause de ses souffrances réelles. Don Carlos était un jeune homme de seize ans, beau comme un Bourbon, généreux comme un Médicis, franc comme un descendant de Henri IV. Jean-Gaston, que depuis longtemps personne n’aimait, et qui n’obtenait qu’à prix d’or l’apparence de l’amitié ou de l’amour, s’attacha bientôt à cet enfant qu’il avait repoussé d’abord ; de sorte que, lorsqu’il fut appelé par la conquête de Naples au royaume des Deux-Siciles, Jean-Gaston vit partir avec des larmes de douleur celui qu’il avait vu arriver avec des larmes de honte.

Le successeur nommé à don Carlos fut le prince François de Lorraine. Le grand-duché de Toscane lui était accordé