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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/61

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— Heu ! fit le Florentin.

C’était une réponse qui pouvait s’interpréter de plusieurs manières, mais mon ami l’interpréta ainsi :

— Le seul pays véritablement civilisé, c’est la France. Or, le résultat de la civilisation, c’est le bateau à vapeur et le chemin de fer. La Toscane n’a encore ni chemin de fer ni bateau à vapeur. C’est tout simple ; mais le premier industriel qui établira un tracé de chemin de fer de Livourne à Florence, ou une ligne de bateaux à vapeur de Florence à Pise, fera sa fortune.

— Pourquoi ne serais-je pas cet industriel ? se demanda-t-il à lui-même.

— Je le serai, se répondit-il, parlant toujours à sa personne.

Or, cette résolution prise, il hésita un instant entre le chemin de fer et le bateau à vapeur.

Le chemin de fer nécessitait des concessions de terrain immenses, il y a près de vingt lieues de Florence a Livourne ; c’était une affaire de soixante à soixante-dix millions, et mon ami, qui d’artiste qu’il était, se faisait, à la vue de l’Arno, tout à coup spéculateur, comme certains cardinaux par inspiration se font papes, avait dans sa poche tout juste de quoi revenir en France.

Au contraire, le bateau à vapeur nécessitait à peine une mise de fonds d’un million à un million et demi. Or, qui est-ce qui, sur l’apparence d’une idée, ne trouve pas en France un million et demi ?

Mon ami s’arrêta donc au bateau à vapeur.

Il adressa aussitôt une demande au gouvernement, afin de s’assurer s’il pourrait établir, quoiqu’il fût étranger, une entreprise gigantesque, qu’il avait conçue après de profondes méditations, et dont il devait résulter le plus grand bien pour toute la Toscane.

Il va sans dire que le pétitionnaire s’était bien gardé d’énoncer quelle était cette entreprise, de peur qu’on ne lui volât son idée.

Le gouvernement répondit que toute industrie était libre dans les États du grand-duc ; que, loin de gêner les entreprises particulières qui devaient concourir à la prospérité