publique, le ministère les encourageait ; que le pétitionnaire pouvait donc, en toute sécurité, poser les bases de son entreprise quelle qu’elle fût.
Le pétitionnaire bondit de joie : il retint sa place à la diligence de Livourne, sauta sur le premier bateau à vapeur venu ; deux jours après il était en France, trois jours après il était à Paris.
C’était l’époque où toutes les idées tournaient à l’industrie ; il y avait des bureaux de spéculation en permanence : mon ami courut à un de ces bureaux.
Il tomba au milieu d’une société de capitalistes. Le moment était bien choisi : il y avait là cinq ou six millionnaires qui ne savaient que faire de leurs millions. Mon ami demanda à être introduit, on s’informa de son nom ; il allait le dire, lorsqu’il se souvint que, son nom étant un nom artistique, ce nom pourrait bien lui fermer toutes les portes. Il rattrapa donc la première syllabe, qui était déjà sortie, et répondit d’une voix pleine de majesté :
— Annoncez un homme qui a une idée.
Le domestique rendit l’annonce dans les termes textuels où elle avait été faite, et mon ami fut introduit à l’instant même dans le Sanctum sanctorum de la finance.
— Messieurs, dit-il, vos instans sont précieux, je serai donc bref. Je viens vous proposer d’établir des bateaux à vapeur sur l’Arno.
Il y eut un instant de silence, les capitalistes se regardèrent ; puis l’un d’eux, répondant au nom de tous, demanda :
— D’abord qu’est-ce que l’Arno ?
Mon ami laissa échapper un imperceptible sourire, et répondit :
— Messieurs, si je vous disais moi-même ce que c’est que l’Arno, comme je suis intéressé dans la question, peut-être ne me croiriez-vous pas. Je vous demanderai donc purement et simplement si vous possédez un dictionnaire de géographie et une carte de l’Italie ?
— Non, répondit un de ces messieurs ; mais avec de l’argent on a tout ce qu’on désire, et l’on n’a qu’à prendre de l’argent et aller chercher chez le premier libraire venu ce que vous demandez.